L’islamophobie : nommer pour lutter
Fin 2017, nous, chercheuses en sociologie et psychologie sociale, avons réuni des collègues de France, de Suisse et de Belgique afin de mettre en lumière le rôle central joué par le genre dans la construction et les conséquences de l’islamophobie. L’ouvrage rassemblant les contributions à cette journée d’études vient de paraître alors que ces trois années et quelques mois ont vu les discussions autour de ce concept, déjà tendues, passablement s’intensifier et se durcir.

En effet, durant l’automne 2020, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, affirme que l’islamo-gauchisme « fait des ravages à l’université ». Début 2021, Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, affirme sur le plateau de CNews qu’elle souhaite mandater une étude « afin de distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui tient du militantisme » au sein des universités françaises. En écho aux propos tenus par son collègue de gouvernement, elle affirme que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble, et que l’université n’est pas imperméable ». Des associations étudiantes et des chercheur.es profiteraient, selon elle, de leur statut universitaire pour véhiculer des idées radicales.
Ces attaques frontales contre les libertés académiques visent les champs de savoir en sciences sociales (race, genre, sexualités et intersectionnalité) qui ont été développés depuis les marges et portés par des groupes socialement minorisés. Les études sur l’islamophobie figurent en première place en raison de leur portée critique évidente au regard des politiques menées en France depuis plusieurs décennies, mais aussi car au sein même des sciences sociales, le terme, depuis qu’il a commencé à être utilisé par des chercheur.es il y a maintenant une dizaine d’années [1], n’a pas été largement accepté, et encore moins défendu, à la hauteur de l’enjeu qu’il désigne.
En 2016 le sociologue Gérard Mauger s’interrogeait par exemple sur « la pertinence du label [2]