Rediffusion

De l’usage des campements dans les politiques migratoires

Sociologue , Sociologue

Après la violente expulsion de migrants à Paris place de la République fin novembre, aucune solution à long terme n’a été trouvée, en témoigne l’occupation du parvis de l’Hôtel de Ville par 250 tentes le 26 juin dernier. Alors que l’expérience longue pourrait informer de nouvelles pratiques, pourquoi ce recours systématique à l’expulsion perdure-t-il ? Parce que les campements sont un répertoire des politiques migratoires, et non la conséquence d’un trop plein auquel nos capacités d’accueil ne pourraient plus faire face.

Lundi 23 novembre 2020, vers 19h, plusieurs centaines de personnes exilées issues du campement de Saint-Denis n’ayant pu bénéficier de « la mise à l’abri » organisée par la préfecture de Paris la semaine précédente, accompagnées d’associations de soutien, d’avocats, d’élus et de journalistes, déploient 200 tentes sur la place de la République. Malgré la résistance des exilés et de leurs soutiens, la place sera évacuée le soir même. La police pourchassera jusque tard dans la nuit et en dehors de Paris celles et ceux qui n’ont plus où aller. La violence déployée fera l’objet de nombreuses images sur les réseaux sociaux.

publicité

Cette opération est loin d’être inhabituelle, contrairement à ce que laisse penser la médiatisation inédite à laquelle elle a donné lieu et qui s’explique par une conjonction de facteurs : le lieu de la scène (le centre de Paris), le moment (montée des critiques sur les violences policières et adoption d’une loi interdisant de les filmer), les acteurs (des journalistes et des élus violentés et non plus seulement des exilés et leurs soutiens). Depuis le 2 juin 2015 et l’évacuation d’un campement dans Paris (sous le métro la Chapelle), on dénombre soixante-six opérations de ce type dans la capitale et sa petite couronne (une moyenne d’un par mois). Dans le Calaisis, elles relèvent de la routine.

Les évacuations de campement sont ainsi devenues courantes, relayées par des articles de presse qui se suivent et se ressemblent, préférant souvent à l’analyse un alignement de faits bruts immédiats, peu éloignés des communiqués de la préfecture de police. Que révèle donc la litanie dans laquelle s’inscrit cet énième épisode ? Que cristallise-t-il comme phénomènes ?

Pour le comprendre, nous proposons de revenir sur la manière dont sont fabriqués ces campements et mises en scène ces évacuations en faisant l’effort d’inverser le regard, de le diriger vers les coulisses que la lumière des projecteurs laisse dans l’ombre.

La fabrique des campements

À premiè


Karen Akoka

Sociologue , Maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris Nanterre

Aubépine Dahan

Sociologue , Co-fondatrice des associations Paris d’Exil et La Casa

Mots-clés

Sans-papiers