Propriété intellectuelle : à qui profite la science ?

« Quoi qu’on fasse, on se verra contraint de le reconnaître, la propriété littéraire et artistique porte dans ses plis la propriété scientifique : l’une amènera forcément l’autre. Après la propriété scientifique, nous aurons la propriété médicale. Qu’un médecin découvre un remède efficace contre la phtisie, lui et les siens seront seuls, peut-être pendant un siècle, autorisés à vendre la vie aux poitrinaires. »
Frédéric Mourlon, Examen du projet de loi sur la propriété littéraire et artistique, Maresq aîné, 1864.
Les propos que l’avocat Frédéric Mourlon publiait, il y a près de 160 ans, à l’occasion d’un débat sur le droit d’auteur, prennent aujourd’hui une dimension prophétique.
La préparation et la diffusion des vaccins contre la Covid-19 mettent en évidence l’importance du rôle de la propriété intellectuelle dans la valorisation de la recherche scientifique par les entreprises privées. Le développement des vaccins à ARN messager l’illustrent tout particulièrement : en 2005, Katalin Karikó et Drew Weissman, tous deux chercheurs de l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis, prennent ensemble un brevet provisoire sur le rôle de l’ARN messager dans la réponse immunitaire au moment même où ils publient leurs travaux dans la revue Immunity.
C’est grâce à un jeu complexe, mêlant prise et vente de brevets, circulation des savants et des capitaux, que ces vaccins ont pu être préparés rapidement. Pourtant, face à leurs difficultés de production, un débat, peut-être encore trop discret, émerge à propos de la libération de ces brevets jugés préjudiciables aux exigences du moment. La propriété scientifique, ou le contrôle de la valeur et des profits dérivés de la recherche, s’avère tout à la fois un levier indispensable de l’innovation et un frein à sa diffusion indésirable.
L’histoire de la propriété scientifique s’inscrit dans le temps long et il n’est pas inutile de la rappeler pour bien comprendre la singularité du moment que nous traversons. En fait, la prop