Société

La fabrique sociale des radicalisations juvéniles : hypothèse et perspectives

Sociologue

Les processus sociaux de radicalisation dépassent l’archétype des jeunes de quartiers populaires issus de l’immigration. Une autre jeunesse, celle des classes moyennes, peine à s’insérer dans notre société hautement concurrentielle. Se pose alors la question de la responsabilité des institutions, défaillantes dans leurs réponses au sentiment d’injustice qui traverse les couches sociales, dans la radicalisation juvénile.

Si le phénomène de radicalisation qualifié d’islamique est devenu l’une des préoccupations majeures de l’activité médiatique, notamment lors d’épisodes d’attentats, nous ne savons pas grand-chose a priori des terroristes, hormis leur jeunesse et leur « intérêt » controversé pour l’islam. Nous nous sommes rendu compte que les parcours des jeunes nommés « djihadistes » par les médias sont nettement plus complexes et hétérogènes.

Certains politologues comme Gilles Kepel ou Bernard Rougier font des liens de causalités systématiques entre jeunes des quartiers, islamisme et terrorisme. Les parcours des terroristes identifiés comme tels par la justice montrent davantage des rapports distants entre les radicalisés et la pratique religieuse des musulmans du quotidien.

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De plus, il est important de préciser d’emblée deux faits essentiels : 1/ tous les musulmans et les jeunes dits « de cité » ne sont pas terroristes tant s’en faut : quatre jeunes au total sur trois cent cinquante-six observés dans deux quartiers populaires de deux villes d’Ile-de-France en 2017 se sont rendus dans les pays du Maschrek et du Cham ; 2/ tous les « radicalisés » ne sont pas musulmans d’origine et ne proviennent pas majoritairement des quartiers populaires urbains.

Ainsi, la thèse défendue par certains chercheurs au sujet d’une sorte de contextualisation des processus de radicalisation dans l’histoire sociale des quartiers populaires urbains comme résultants de la dégradation des conditions de vie des habitants des cités, depuis la marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983 et les révoltes urbaines en 2005, n’est donc pas tout à fait convaincante. En effet, certains individus identifiés comme radicalisés sont parfois issus des classes moyennes et ne sont pas de familles musulmanes.

C’est pourquoi nous avons mobilisé la notion d’exil pour décrire les formes multiples d’exclusions sociales rencontrées par les jeunes des « quartiers » et des milieux populaires, mais aussi pour appréhe


[1] E. Marlière, La France nous a lâchés ! Le sentiment d’injustice chez les jeunes de cité, Paris, Fayard , 2008.

[2] F. Khosrokhvar, Le nouveau Jihad en Occident, Paris, Robert Laffont, 2018.

[3] L. Bonnelli et F. Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des djihadistes français, Paris, Le Seuil, 2018.

[4] C. Guérandel, E. Marlière, « Les djihadiistes à travers Le Monde. Pluralité des analyses et impensés », Hommes et migrations, 1315, 2016, p. 9-16.

[5] J. Raflik, Terrorisme et mondialisation. Approches historiques, Paris, Gallimard, 2016.

[6] O. Roy, Le Djihad et la mort, Paris, Le Seuil, 2016.

[7] H. Arendt, Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, Paris, Calmann-Lévy, 1972.

[8] D. Bouzar, Comment sortir de l’emprise « djihadiste » ?, Paris, Les éditions de l’Atelier, 2015.

[9] E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1893.

[10] Voir en ce sens, U. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001.

[11] Récemment, nous avons été contactés par un centre social d’un quartier populaire pour mener une recherche sur ce que pensent et veulent les jeunes avec des professionnels expérimentés encadrant la jeunesse depuis plus de vingt ans. Cela montre le désarroi et la distance qui s’opère entre travailleurs sociaux et certains jeunes.

[12] J. Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1970.

[13] M. Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations sectorielles, Paris, Presses de Sciences-po, 2008.

 

Éric Marlière

Sociologue, Maître de conférences à l’université de Lille et chercheur au CeRIES

Notes

[1] E. Marlière, La France nous a lâchés ! Le sentiment d’injustice chez les jeunes de cité, Paris, Fayard , 2008.

[2] F. Khosrokhvar, Le nouveau Jihad en Occident, Paris, Robert Laffont, 2018.

[3] L. Bonnelli et F. Carrié, La fabrique de la radicalité. Une sociologie des djihadistes français, Paris, Le Seuil, 2018.

[4] C. Guérandel, E. Marlière, « Les djihadiistes à travers Le Monde. Pluralité des analyses et impensés », Hommes et migrations, 1315, 2016, p. 9-16.

[5] J. Raflik, Terrorisme et mondialisation. Approches historiques, Paris, Gallimard, 2016.

[6] O. Roy, Le Djihad et la mort, Paris, Le Seuil, 2016.

[7] H. Arendt, Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, Paris, Calmann-Lévy, 1972.

[8] D. Bouzar, Comment sortir de l’emprise « djihadiste » ?, Paris, Les éditions de l’Atelier, 2015.

[9] E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1893.

[10] Voir en ce sens, U. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001.

[11] Récemment, nous avons été contactés par un centre social d’un quartier populaire pour mener une recherche sur ce que pensent et veulent les jeunes avec des professionnels expérimentés encadrant la jeunesse depuis plus de vingt ans. Cela montre le désarroi et la distance qui s’opère entre travailleurs sociaux et certains jeunes.

[12] J. Baudrillard, La société de consommation, Paris, Gallimard, 1970.

[13] M. Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations sectorielles, Paris, Presses de Sciences-po, 2008.