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France-Algérie : la justice transitionnelle, une voie vers la réconciliation des mémoires ?

Juriste

Emmanuel Macron a reçu ce lundi 20 septembre les représentants des harkis pour une cérémonie à l’Elysée et leur a demandé pardon au nom de la France. Cette démarche constitue un premier pas, mais sa dimension électoraliste, à quelques mois de l’élection présidentielle, ne peut être ignorée. Les excuses pour les crimes commis pendant la colonisation risquent pour leur part d’attendre longtemps, alors qu’elles seraient une étape nécessaire à un processus de réconciliation des mémoires.

En février dernier, l’historien et spécialiste de l’Algérie Benjamin Stora a remis au Président de la République son rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». À un an du soixantième anniversaire de la signature des accords d’Évian et de la prochaine élection présidentielle, la date n’a pas été choisie au hasard. Le texte d’un peu plus de cent cinquante pages appelle de ses vœux une « réconciliation des mémoires ». Il recommande plusieurs mesures, dont la création d’une commission « Mémoire et vérité ». Cette commission, si elle voit le jour, sera l’une des toutes premières expériences de justice transitionnelle en France.

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La justice transitionnelle est une branche du droit encore trop peu enseignée en France, où elle ne semble pas susciter de réel engouement. Elle est souvent assimilée – et à tort – à l’amnistie et aux autres mécanismes d’exonération de la responsabilité pénale[1]. Mais le spectre de la justice transitionnelle est beaucoup plus large. Il couvre l’ensemble des mécanismes judiciaires et non judiciaires « chargés de traiter les exactions d’un régime qui s’est traduit par un degré élevé de violence sociale et de violations systématiques et à grande échelle des droits fondamentaux de la personne[2] ».

Dans un cas, on poursuit et on punit les responsables. Dans l’autre, on repense les mécanismes d’établissement de la responsabilité, on cherche à rendre justice différemment au nom de la réconciliation.

La justice transitionnelle propose donc un vaste éventail de solutions, allant de la justice pénale ordinaire avec, par exemple, la création de tribunaux pénaux internationaux (Rwanda, ex-Yougoslavie) ou « internationalisés » (Sierra Leone, Timor-Leste, Liban) à la création d’organes non-juridictionnels – qui n’ont donc pas compétence pour se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité des personnes – tels que des commissions « vérité et réconciliation » (Chili, Afrique du Sud). Dans un cas, on po


[1] Xavier Philippe, « Brèves réflexions sur les relations entre ‘justice transitionnelle’ et Constitution », in Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 374.

[2] Ibid.

[3] Jacques Derrida, Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012, p. 17.

[4] Cass. crim. 17 juin 2003, n°02-80.719, Paul Aussaresses.

[5] Cass. crim. 20 décembre 1985, n°85-95.166, Klaus Barbie.

[6] Ass. gén., « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire », résolution adoptée le 16 décembre 2005, doc. NU A/RES/60/147.

[7] Ass. gén., « Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition », 12 juillet 2019, doc. NU A/74/147.

[8] Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26, série A n°32.

[9] Nikolova c. Bulgarie [GC], n°31195/96, § 76, CEDH 1999-II.

[10] Varnava et autres c. Turquie [GC], n°16064/90 et al., § 224, CEDH 2009.

[11] Id.

[12] Id.

[13] Trujillo-Oroza v. Bolivia, Reparations and Costs, Judgment of 27 February 2002, Series C No. 92.

[14] Castillo-Páez v. Peru, Reparations and Costs, Judgment of 27 November 1998, Series C No. 34.

[15] Godínez Cruz v. Honduras, Reparations and Costs, Judgment of 21 July 1989, Series C No. 8.

[16] Durand and Ugarte v. Peru, Reparations and Costs, Judgment of 3 December 2001, Series C No. 89.

[17] Moiwana Community v. Suriname, Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 15 June 2005, Series C No. 124.

[18] Sawhoyamaxa Indigenous Community v. Paraguay, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 29 March 2006, Series C No. 146.

[19] Saramaka People v. Suriname, Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 28 November 2007, Series C No. 172.

[20] « Street Children » (Villagrán-Morales et

Élie Tassel

Juriste

Mots-clés

Mémoire

Notes

[1] Xavier Philippe, « Brèves réflexions sur les relations entre ‘justice transitionnelle’ et Constitution », in Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2007, p. 374.

[2] Ibid.

[3] Jacques Derrida, Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012, p. 17.

[4] Cass. crim. 17 juin 2003, n°02-80.719, Paul Aussaresses.

[5] Cass. crim. 20 décembre 1985, n°85-95.166, Klaus Barbie.

[6] Ass. gén., « Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire », résolution adoptée le 16 décembre 2005, doc. NU A/RES/60/147.

[7] Ass. gén., « Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition », 12 juillet 2019, doc. NU A/74/147.

[8] Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26, série A n°32.

[9] Nikolova c. Bulgarie [GC], n°31195/96, § 76, CEDH 1999-II.

[10] Varnava et autres c. Turquie [GC], n°16064/90 et al., § 224, CEDH 2009.

[11] Id.

[12] Id.

[13] Trujillo-Oroza v. Bolivia, Reparations and Costs, Judgment of 27 February 2002, Series C No. 92.

[14] Castillo-Páez v. Peru, Reparations and Costs, Judgment of 27 November 1998, Series C No. 34.

[15] Godínez Cruz v. Honduras, Reparations and Costs, Judgment of 21 July 1989, Series C No. 8.

[16] Durand and Ugarte v. Peru, Reparations and Costs, Judgment of 3 December 2001, Series C No. 89.

[17] Moiwana Community v. Suriname, Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 15 June 2005, Series C No. 124.

[18] Sawhoyamaxa Indigenous Community v. Paraguay, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 29 March 2006, Series C No. 146.

[19] Saramaka People v. Suriname, Preliminary Objections, Merits, Reparations and Costs, Judgment of 28 November 2007, Series C No. 172.

[20] « Street Children » (Villagrán-Morales et