Société

Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église : et après ?

Sociologue

Le rapport de la Commission Sauvé sur les violences sexuelles exercées au sein de l’Église catholique, dévoilé ce mardi 5 octobre, constitue un moment clé dans la prise de conscience d’une réalité longtemps tue : celle d’une violence nettement supérieure à celle mesurée dans d’autres institutions en charge d’enfants. Si jusqu’à présent, les évêques français n’ont pas collectivement repris à leur compte l’analyse du pape François dénonçant le « cléricalisme » et ses effets délétères, on peut s’attendre à un changement d’attitude devant la pression des fidèles.

Après deux ans et demi de travail, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) rend publiques, mardi 5 octobre, son évaluation de l’ampleur du phénomène, l’analyse qu’elle en a fait et ses préconisations. Les quelques prises de parole ne laissent guère de doute sur le tableau glaçant qui en ressort : « Je pressens qu’il sera pire que ce que l’on sait déjà », annonce ainsi Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref) qui, avec la Conférence des évêques de France (Cef), a cofinancé la commission.

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Dans un tel contexte, les membres de l’épiscopat font preuve d’une indéniable fébrilité. Les victimes et leurs associations témoignent quant à elles de leur impatience et de grandes attentes à l’égard de la figure de Jean-Marc Sauvé, dont l’indépendance et les qualités morales sont unanimement saluées. Le rapport de la Ciase va-t-il relancer le scandale ou, au contraire, permettre de le clore ? Va-t-il constituer le point de départ d’une nouvelle mobilisation en faveur de réformes structurelles d’envergure ou contribuer à mettre un terme à celle que l’on a vu poindre en France en 2018-2019 ? S’il est encore tôt pour répondre à de telles questions, on peut déjà affirmer que c’est du côté de l’opinion publique catholique que va en grande partie se jouer l’issue du scandale, ce dont l’épiscopat semble avoir une claire conscience.

Les violences sexuelles perpétrées au sein de l’Église catholique ont une longue histoire, que Claude Langlois a retracée en remontant jusqu’à la Révolution française[1]. Si l’on se situe dans la période la plus contemporaine, le début des années 2000 a constitué un moment de révélations de plusieurs affaires. Un évêque a même été condamné en 2001 pour non-dénonciation d’atteintes et de crimes sexuels sur mineurs. Dans ce contexte et grâce au travail pionnier de sensibilisation mené par la théologienne et médecin Marie-Jo Thiel, une première série de mesures sont alors


[1] Claude Langlois, On savait, mais quoi ? La pédophilie dans l’Église de la Révolution à nos jours, Seuil, 2020.

Céline Béraud

Sociologue, Directrice d'études à l'EHESS

Notes

[1] Claude Langlois, On savait, mais quoi ? La pédophilie dans l’Église de la Révolution à nos jours, Seuil, 2020.