Politique

Des citoyens debout : au-delà de la contestation

Politiste

Ce mercredi 17 novembre marquera les trois ans des Gilets jaunes, mouvement hétéroclite et symbole d’un phénomène de politisation qui échappe aux cadres institutionnels. L’analyse de ce registre de mobilisation, par lequel des citoyens s’affirment comme sujets politiques, ne peut se limiter à la rhétorique contestataire ; il y a là un mouvement de fond de reconfiguration des lieux et échelles du politique, caractéristique de l’« individualisme démocratique ».

Manifestations contre le pass sanitaire, Gilets jaunes, Nuit Debout, mouvements de places à l’étranger (Occupy Wall street, Indignés, « révolutions arabes », etc.). Mais que se passe-t-il donc depuis quelques années dans nos rues ?

Existe-t-il un point commun faisant descendre massivement tous ces citoyens dans les rues et sur les places ? Assiste-t-on simplement à la montée en puissance d’une grogne tous azimuts, à l’affirmation croissante d’une volonté contestatrice de « contre-démocratie » – telle que l’analyse Pierre Rosanvallon –, à sa médiatisation croissante grâce aux réseaux sociaux ?

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Simple changement de degré dans la contestation sociale, se radicalisant de plus en plus souvent dans le « dégagisme », voire le « révoltisme » – cf. Marcel Gauchet –, et sacralisant la posture contestataire en soi ? Ou changements plus structurels, révélateurs d’un rapport au politique qui évolue fondamentalement ?

Au-delà de l’hétérogénéité contestataire : la sacralisation de l’individualisme démocratique

Le fait qu’existe une grogne sociale croissante est certes incontestable. On connaît désormais l’ampleur de la critique, par la très grande majorité de nos concitoyens, des dysfonctionnements de la démocratie représentative.

On sait combien ils se défient d’une classe politique jugée corrompue, plus préoccupée par ses propres intérêts que par ceux de leurs électeurs. On ne peut, en outre, que constater la médiatisation de cette idée d’une crise du lien représentatif et d’une défiance très répandue des citoyens vis-à-vis des élus, de l’État, des institutions.

C’est sur ce fond de défiance généralisée que certains en sont même venus à évoquer le dévoiement de l’État vers des supposées formes de « totalitarisme » (comparaison absolument abusive pour tout socio-historien et politiste qui se respecte, mais là n’est pas le débat).

En bref. Oui, la « contre-démocratie » s’exprime plus que jamais et plusieurs récents mouvements sociaux en témoignent. Et oui, on a le sentim


[1] Magali Della Sudda, Christine Guionnet, « Chapitre 15. Nuit Debout, Gilets jaunes : quoi de neuf à l’horizon des mouvements sociaux ? », dans Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu (dir.), Nouvelle sociologie politique de la France, Armand Colin, 2021, pp. 203-214

[2] Cf. les contributions de Michel Wieviorka et de Manuel Cervera-Marzal, dans Christine Guionnet et Michel Wieviorka (dir.), Nuit Debout. Des citoyens en quête de réinvention démocratique, PUR, 2021.

[3] Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, 2016 (rééd.)

[4] Nous nous appuyons ici à nouveau sur différentes contributions à l’ouvrage collectif : Christine Guionnet et Michel Wieviorka (dir.), Ibid., ainsi que sur l’article co-écrit avec Magali Della Suda, Ibid.

[5] Voir Christine Guionnet, « Nuit Debout Rennes : au-delà des traces mémorielles, l’esquisse d’un “engagement citoyen rhizome” ? », dans GIS Démocratie et participation (dir.), Expérimentations démocratiques. Pratiques, institutions, imaginaires, Presses du Septentrion, 2021.

[6] Caroline W. Lee, Do-It Yourself Democracy: The Rise of the Public Engagement, Oxford University Press, 2014

[7] Voir notamment la contribution de Geoffrey Pleyers dans Nuit Debout, des citoyens en quête de réinvention démocratique.

[8] Voir à ce sujet les travaux récents de Vincent Tiberj, ou Tom Chevalier et Patricia Loncle

Christine Guionnet

Politiste, Maîtresse de conférences à l'Université de Rennes

Notes

[1] Magali Della Sudda, Christine Guionnet, « Chapitre 15. Nuit Debout, Gilets jaunes : quoi de neuf à l’horizon des mouvements sociaux ? », dans Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu (dir.), Nouvelle sociologie politique de la France, Armand Colin, 2021, pp. 203-214

[2] Cf. les contributions de Michel Wieviorka et de Manuel Cervera-Marzal, dans Christine Guionnet et Michel Wieviorka (dir.), Nuit Debout. Des citoyens en quête de réinvention démocratique, PUR, 2021.

[3] Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, 2016 (rééd.)

[4] Nous nous appuyons ici à nouveau sur différentes contributions à l’ouvrage collectif : Christine Guionnet et Michel Wieviorka (dir.), Ibid., ainsi que sur l’article co-écrit avec Magali Della Suda, Ibid.

[5] Voir Christine Guionnet, « Nuit Debout Rennes : au-delà des traces mémorielles, l’esquisse d’un “engagement citoyen rhizome” ? », dans GIS Démocratie et participation (dir.), Expérimentations démocratiques. Pratiques, institutions, imaginaires, Presses du Septentrion, 2021.

[6] Caroline W. Lee, Do-It Yourself Democracy: The Rise of the Public Engagement, Oxford University Press, 2014

[7] Voir notamment la contribution de Geoffrey Pleyers dans Nuit Debout, des citoyens en quête de réinvention démocratique.

[8] Voir à ce sujet les travaux récents de Vincent Tiberj, ou Tom Chevalier et Patricia Loncle