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Capitalisme footballistique, universalisme européen et résistance africaine : jeux et enjeux autour de la CAN

Économiste

La Coupe d’Afrique des Nations s’ouvre ce dimanche au Cameroun. De nombreux propos tenus par des dirigeants du football à l’endroit de cette compétition révèlent une nouvelle fois la mépris et la condescendance à l’égard du continent africain. Dans l’industrie footballistique, eurocentriste et donc capitaliste, l’Afrique a tout intérêt à défendre ses singularités pour redonner à son football toute la légitimité qu’il mérite.

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) débute au Cameroun le 9 janvier 2022 prochain mais des Africains, stupéfaits, ont pris connaissance des contorsions verbales du président de la FIFA, des manœuvres de l’European Club Association (L’ECA) et des déclarations de certains entraîneurs européens sur la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Tout ce beau monde souhaitait ajourner le plus grand rendez-vous africain de football ou l’annuler purement et simplement.

Qu’est-ce qui se joue ou se rejoue dans cette téléréalité de mauvais goût où le dindon de la face est une fois de plus un continent de 54 États souverains ? Quels sont les ressorts historiques, c’est-à-dire les fondements structurels de ce que les uns et les autres disent sur l’Afrique à travers la CAN ? Comment l’Afrique peut-elle une fois pour toutes sortir d’une extraversion négative par rapport à l’eurocentrisme afin de devenir le centre authentique de son football ?

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Des mots d’Européens sur la CAN : que font et disent-ils de l’Afrique ?

Dans un discours, les travaux de Pierre Bourdieu[1] et de Roland Barthes[2] le montrent à suffisance, les mots utilisés sont porteurs de messages, d’images et de symboles dont l’analyse montre le type de liens (égalité, mépris, domination, condescendance…) qui existent entre les interlocuteurs ou entre le locuteur et la chose analysée.

Non seulement « le pouvoir est inscrit dans le langage comme code » d’après Roland Barthes, mais aussi, il se loge dans les mots et les expressions à travers lesquels les interlocuteurs entrent en relation et dévoilent tant ce qu’ils pensent l’un de l’autre que leurs statut, classe sociale et références. Il n’y a donc pas meilleurs instruments de mise en exergue du pouvoir symbolique de l’eurocentrisme et du capitalisme que l’analyse du discours de nombreux Européens sur la CAN et donc, automatiquement, sur l’Afrique.

Pour Jürgen Klopp, entraîneur de Liverpool FC, club phare du championnat anglais de première division, la CAN est « un pe


[1] Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Fayard, 2001.

[2] Roland Barthes, Leçon, Seuil, 1978.

[3] BFM/RMC/Sport, « Klopp interpellé par un journaliste pour avoir qualifié la CAN de petit tournoi », le 25/11/2021

[4] Matthieu Marguerite, « La déclaration douteuse de Spalletti sur la CAN », FOOTMERCATO, le 20/12/2021

[5] Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, Gallimard, 1925

[6] Hannah Arendt, La crise de la culture, Gallimard, 1972

[7] Catherine Coquery-Vidrovicth, Petite histoire de l’Afrique. L’Afrique au sud du Sahara de la préhistoire à nos jours, La Découverte, 2010

[8] Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire d’hier à demain, Hatier, 1972

[9] Immanuel Wallerstein, L’universalisme européen. De la colonisation au droit d’ingérence, Demopolis, 2008

[10] BFM/RMC/Sport, « FIFA : INFANTINO pousse pour déclarer la CAN en automne », le 21/12/2021

[11] Alfred Zikpi,  « Antoine Kombouaré : Tous nos Africains vont aller à la CAN », Africatopsport.com, le 17/12/2021

[12] BFM/RMC/Sport, « Crystal palace : Patrick Vieira prend la défense de la CAN 2022 », le 24/12/2021.

[13] J’entends par racisme historique un racisme construit par les structures politiques, économiques et sociales de l’histoire mondiale et véhiculé par l’inertie de cette histoire indépendamment des acteurs individuels et des mesures contemporaines de lutte contre le racisme. C’est un racisme devenu autorégulateur et incompressible.

[14] Niamey.com, « CAN 2021 : le courrier de menaces envoyé par l’ECA à la FIFA à Fuité ! », le 16/12/2021

[15] De nombreux travaux prouvent une telle évolution. On peut, sans être exhaustif, signaler Joseph Stglitz, Le prix de l’inégalité, Les liens qui libèrent, 2002 ; Thomas Picketty, Le capital au XXIème siècle, Seuil, 2013

[16] Sarah Diffalah, « Et si la colonisation n’avait pas eu lieu… », Interview d’Achille Mbembe, L’Obs, 2021, pp.94-97.

Thierry Amougou

Économiste, Professeur d'économie du développement à l'Université Catholique de Louvain (UCL)

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Fayard, 2001.

[2] Roland Barthes, Leçon, Seuil, 1978.

[3] BFM/RMC/Sport, « Klopp interpellé par un journaliste pour avoir qualifié la CAN de petit tournoi », le 25/11/2021

[4] Matthieu Marguerite, « La déclaration douteuse de Spalletti sur la CAN », FOOTMERCATO, le 20/12/2021

[5] Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, Gallimard, 1925

[6] Hannah Arendt, La crise de la culture, Gallimard, 1972

[7] Catherine Coquery-Vidrovicth, Petite histoire de l’Afrique. L’Afrique au sud du Sahara de la préhistoire à nos jours, La Découverte, 2010

[8] Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire d’hier à demain, Hatier, 1972

[9] Immanuel Wallerstein, L’universalisme européen. De la colonisation au droit d’ingérence, Demopolis, 2008

[10] BFM/RMC/Sport, « FIFA : INFANTINO pousse pour déclarer la CAN en automne », le 21/12/2021

[11] Alfred Zikpi,  « Antoine Kombouaré : Tous nos Africains vont aller à la CAN », Africatopsport.com, le 17/12/2021

[12] BFM/RMC/Sport, « Crystal palace : Patrick Vieira prend la défense de la CAN 2022 », le 24/12/2021.

[13] J’entends par racisme historique un racisme construit par les structures politiques, économiques et sociales de l’histoire mondiale et véhiculé par l’inertie de cette histoire indépendamment des acteurs individuels et des mesures contemporaines de lutte contre le racisme. C’est un racisme devenu autorégulateur et incompressible.

[14] Niamey.com, « CAN 2021 : le courrier de menaces envoyé par l’ECA à la FIFA à Fuité ! », le 16/12/2021

[15] De nombreux travaux prouvent une telle évolution. On peut, sans être exhaustif, signaler Joseph Stglitz, Le prix de l’inégalité, Les liens qui libèrent, 2002 ; Thomas Picketty, Le capital au XXIème siècle, Seuil, 2013

[16] Sarah Diffalah, « Et si la colonisation n’avait pas eu lieu… », Interview d’Achille Mbembe, L’Obs, 2021, pp.94-97.