Abandon des territoires et politisation du ressentiment
La spectaculaire mobilisation des Gilets Jaunes a replacé les inégalités territoriales au centre des débats. Aujourd’hui, cet enjeu est abordé au prisme d’une opposition entre « les métropoles » et un ensemble de territoires, plus petits, aux dynamiques différenciées. Par exemple, alors que les accusations de déconnexion des élites françaises atteignent des sommets, les responsables politiques de premier plan n’ont de cesse de rappeler leur ancrage dans des « régions » qu’ils entendent bien défendre face au nouveau « monstre métropolitain ».
Bien sûr, la politisation des inégalités territoriales n’est pas nouvelle. Cependant, jusqu’à la dernière décennie, elle s’incarnait dans un tout autre paysage : celui des quartiers d’habitat social. Malgré leurs difficultés, ces derniers sont désormais largement invisibilisés[1]. La droitisation de l’offre électorale et médiatique s’accompagne en effet de la diffusion d’un discours qui les rattache symboliquement à des métropoles d’autant plus honnies qu’elles seraient le lieu d’une alliance, pourtant introuvable, entre les populations issues de l’immigration récente et les fameux « bobos ».

Posons d’emblée la question cruciale : pourquoi s’inquiéter des inégalités territoriales ? Après tout, pour une partie du monde militant, cet enjeu ne vient que masquer les inégalités sociales, qui restent le cœur du problème. C’est oublier que les premières viennent redoubler les secondes : il est de plus en plus difficile pour des populations modestes d’accéder aux besoins de base (santé, transport, formation, logement) dans des territoires enclavés aux prises avec le retrait de l’État.
La vision libérale pose quant à elle une autre question. Pourquoi consacrer des ressources publiques à aider des territoires condamnés (par l’obsolescence de leur ancienne spécialisation industrielle, agricole voire administrative) ? Pourquoi ne pas tout simplement laisser aux individus le choix de les quitter, ou non – ceux qui restent devant al