Illégalisme d’État, hyperobéissance civile – en hommage à Mireille Delmas-Marty
En ouverture de son livre Résister, responsabiliser, anticiper, paru en 2013, Mireille Delmas-Marty s’inquiétait du « durcissement du contrôle des migrations », et notamment d’une « spirale répressive » entraînée par « un modèle sécuritaire et souverainiste », ajoutant que cette logique produisait simultanément une « rupture des solidarités » par la pénalisation de l’assistance portée aux migrants. Huit ans après, ce qu’elle décrivait alors n’a fait que se renforcer dans les législations aussi bien que dans les pratiques nationales et européennes.
En effet, d’un côté, on assiste à ce que Mireille Delmas-Marty appelait une « criminalisation des migrations », au demeurant paradoxale puisque l’absence de titre de séjour ne constitue pas un délit, mais le développement de centres de rétention administrative et l’allongement des durées maximales d’enfermement en vue de l’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière soulignent que ces derniers sont bien traités de fait comme des délinquants, et du reste, un incident lors de la rétention ou un refus d’embarquer lors de l’éloignement les conduit généralement en prison.

D’un autre côté, on constate que le « délit de solidarité » dont Mireille Delmas-Marty rappelait qu’il était hérité d’un décret-loi de 1938 n’a pas disparu dans les faits, malgré la décision du Conseil constitutionnel consacrant la valeur du principe de fraternité pour l’aide à autrui dans un but humanitaire indépendamment de la situation juridique de la personne aidée, puisque le gouvernement a fait ajouter dans la loi que l’assistance devait avoir un but exclusivement humanitaire de façon à permettre aux magistrats de condamner des actes de solidarité en considérant qu’ils revêtent un caractère militant, ce que la Cour de Cassation a annulé, tandis que les forces de l’ordre continuent de harceler celles et ceux qui portent secours à des exilés près des frontières et que le ministère de l’Intérieur interdit certaines distributio