Société

Le tournant personnel du capitalisme : la leçon du coaching

Sociologue

En appelant les cadres à devenir acteur de leur propre vie professionnelle, déplaçant le curseur de la responsabilité des entreprises aux individus, le coaching apparaît autant comme symptôme que comme moteur d’un tournant personnel du capitalisme. Là serait l’avenir du travail et la voie de l’épanouissement : les sciences sociales nous montrent pourtant qu’il y a derrière ce marché de nouvelles formes de subordination économique.

La crise sanitaire, économique et sociale liée à la pandémie de Covid-19 a relancé les débats sur l’avenir du travail, déroulant le mantra du Future of work en lieu et place des discours qui, vingt ans auparavant, en annonçaient la fin. Le bien-être au travail est devenu une revendication d’autant plus légitime dans ce contexte, allant de pair avec les appels à devenir acteur de sa propre vie professionnelle.

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Porteur de ces orientations depuis une vingtaine d’années, le coaching, dispositif d’« accompagnement de personnes visant le développement de leurs potentiels dans le cadre d’objectifs professionnels », est devenu incontournable, en témoigne sa présence significative au salon dédié à la santé, à la sécurité et à la qualité de vie au travail, à celui consacré au travail et à la mobilité professionnelle, ou encore au salon des masters et mastères spécialisés, qui se sont tenus à Paris ces derniers mois. Que nous apprennent cette pratique et sa relative institutionnalisation sur les transformations et l’avenir du travail ? Le coaching est-il le signe d’une humanisation du capitalisme comme l’affirment ses promoteurs ou bien le vecteur d’une instrumentalisation de la subjectivité comme le dénoncent ses contempteurs ?

À distance des postures tant laudatives que dénonciatrices, la vaste enquête ethnographique que j’ai menée auprès de coachs, de DRH et de cadres coachés a permis d’éclairer les conditions d’exercice du coaching et de ses usages au sein des organisations, dégageant plus largement le phénomène social dont il est à la fois un révélateur et un vecteur.

Les transformations du travail et des modes de mobilisation de la main-d’œuvre dessinent en effet les contours d’un tournant personnel du capitalisme qui place au centre la personne de celles et ceux qui travaillent, érigeant leur personnalité en compétence de savoir-être – les fameuses soft skills – et affirmant contribuer à leur bien-être et à leur réalisation de soi. L’analyse systématique, tant


Scarlett Salman

Sociologue, Maîtresse de conférences en sociologie à l'université Gustave Eiffel/Paris-Est

Mots-clés

Capitalisme