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Ukraine : un peu d’histoire (en lieu et place des mythes)

Historien

De l’intérieur comme à l’extérieur, on a souvent tendance à présenter l’histoire de l’Ukraine comme exceptionnelle. Elle ne l’est pourtant que dans la mesure où elle épouse les principales évolutions avec une intensité inhabituelle. C’est la thèse qu’a défendue le grand historien Timothy Snyder lors de la Petryshyn Lecture qu’il a donné il y a quelques jours au département d’études ukrainiennes d’Harvard.

Il y a plus de mille ans, des esclavagistes vikings trouvèrent le passage qu’ils cherchaient vers le sud. Celui-ci suivait le fleuve Dniepr, passait par un comptoir commercial appelé Kiev, puis menait à des rapides que même ces Vikings ne pouvaient franchir. Les bateaux étaient alors transportés par les esclaves et des inscriptions furent laissées sur les rives du fleuve qui honoraient les morts. Ces Vikings se faisaient appeler les Rus.

L’ancien territoire de la Khazarie se désagrégeait alors. Les Khazars avaient stoppé l’avancée de l’Islam dans le Caucase au VIIIe siècle, à peu près à la même époque que la bataille de Poitiers. Une partie, voire la totalité de l’élite khazare s’était convertie au judaïsme. Les Vikings supplantèrent les Khazars en tant que percepteurs des impôts de Kiev, tandis que coutumes et vocabulaires fusionnèrent. Leurs chefs s’appelaient les « khagans ».

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Les Vikings avaient compris que la conversion à une religion monothéiste facilitait le contrôle d’un territoire. Les Rus païens envisagèrent, semble-t-il, le judaïsme et l’islam avant de se convertir au christianisme. Leur chef qui, le premier, se serait converti, Valdemar (ou Volodymyr, que les Russes ont appelé Vladimir bien plus tard), avait d’abord régné sur Kiev en tant que païen. Selon des sources arabes, il avait auparavant gouverné une autre ville en tant que musulman.

C’est assez curieux, mais somme toute normal. Les Vikings ont contribué à la formation d’États dans toute l’Europe, au moment des conversions millénaires. La Rus de Kiev était conforme à la tradition en matière de politique matrimoniale, envoyant une princesse épouser le roi de France. Ses conflits de succession étaient typiques de la région, tout comme son incapacité à résister aux Mongols au début des années 1240.

Par la suite, la plupart des terres des Rus furent récupérées par le Grand-Duché de Lituanie. D’une certaine manière, c’était également normal : la Lituanie était le plus grand pays d’Europe. Kiev


Timothy Snyder

Historien, Professeur à l'Université de Yale