Société

Des dérives sectaires

Philosophe

Notre temps abrite de plus en plus de pseudos « doctrines du bonheur », véhiculées par des escrocs, charlatans de la santé, faux sages et faux prêtres et autres messagers de l’apocalypse. Que font ces prophètes usurpés aux corps et aux esprits capturés ? Ces emprises sectaires, caractérisées par des processus de dépersonnalisation et de formatage de la conscience, constituent une forme de violence que la société se doit plus que jamais de combattre.

C’est toujours quand les perspectives d’avenir s’assombrissent et quand la désorientation qui en résulte s’accroît, que les croyances les plus improbables surgissent. À ceux et celles qui ne savent plus à quoi ni à qui se fier pour imaginer ce qui les attend, elles offrent des repères de substitution, en dessinant un nouvel horizon. Alors que ces personnes pensent que les circonstances les ont dépossédées de leur destin, ces mêmes croyances leur offrent la promesse d’une guérison, d’un soin, d’un salut, qui leur permettent de se réapproprier leur existence : leur corps, leur esprit, leur avenir.

publicité

C’est peu dire que, dans ces conditions, les temps qui sont les nôtres, avec une pandémie dont on ne voit pas la fin, une dégradation de l’environnement et du climat que rien ne semble pouvoir enrayer, offrent le terreau le plus favorable à leur apparition et leur multiplication. C’est partout que surgissent ces pseudos « doctrines du bonheur », avec des moyens de diffusion sans précédent, sous des formes diverses : ateliers et stages de remise en forme, leçons de bien-être dispensées par un « maître spirituel », etc.

Faut-il s’en alarmer ? À supposer que certaines d’entre elles se distinguent par leur « dangerosité » et demandent à ce titre une vigilance accrue, quels sont les critères qui permettent de les distinguer des autres ?

Une mainmise sur des corps et des esprits

Si la question se pose, c’est que nous soupçonnons à juste titre certaines de ces croyances et des organisations qui en contrôlent le prosélytisme d’être une source de violence pour ceux et celles qui se laissent prendre dans leurs filets. Il y a deux façons d’analyser la violence : par ses causes et par ses effets. La méthode que l’on proposera ici est de commencer par les seconds, en se demandant donc ce que lesdites « organisations » font aux corps et aux esprits qu’elles capturent.

Lorsqu’on parle de « dérive sectaire », en effet, ce n’est pas tant le contenu même de la doctrine, la croyance


Marc Crépon

Philosophe, Directeur de recherches au CNRS

Rayonnages

Société