Trente ans après, la guerre de Bosnie-Herzégovine
Présentée comme trop complexe pour être comprise autrement que par des facteurs ethniques pourtant impropres à l’expliquer, la guerre qui a ravagé ce pays pendant quatre ans et fait environ 100 000 morts est en fait davantage morcelée que compliquée. Il faudrait en réalité parler des guerres et des conflits de Bosnie-Herzégovine, tant les temporalités et les modalités étaient différentes d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre. Se rapprocher et changer d’échelle pour observer l’espace bosnien de 1992 à 1995 permet de discerner la territorialisation de la violence, d’éviter l’aplatissement des expériences des civils. Cela permet enfin le surgissement de dynamiques effacées par un récit souvent simplifié et cimenté dans une approche ethnicisante. Approche pratique, mais myope.
Il ne s’agit évidemment pas de nier la réalité et l’intensité des mobilisations politiques ethno-nationalistes, mais plutôt de rendre aux groupes invariablement désignés par leur ethnicité – Bosniaques, Croates, Serbes – une hétérogénéité dont ils sont souvent départis par les journalistes, et parfois par les chercheurs. Se rapprocher permet de distinguer, par exemple, l’exercice de la violence à l’intérieur d’un même groupe pourtant décrit comme adhérant uniformément à telle ou telle proposition politique.

Tenter de restituer la diversité d’expériences de ce conflit tant dans ses temporalités que dans ses espaces nous renseigne aussi sur l’aveuglement face aux signes annonciateurs de la violence parfois considérés comme inoffensifs, puisque non spectaculaires. Regarder ce qui s’est passé il y a trente ans nous renseigne évidemment sur les erreurs que nous pourrions répéter trente ans plus tard.
Mais quand la guerre a-t-elle donc commencé ?
Le siège de Sarajevo, capitale de la république de Bosnie-Herzégovine, commence le 6 avril 1992 alors qu’une manifestation pacifiste gigantesque traverse le centre-ville. Le 6 avril est une date symbolique dans l’histoire de la capitale. C’est