L’escalade violente des représentations russes de l’Ukraine
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, débutée le 24 février 2022 dans une stupeur quasiment générale, s’est accompagnée du côté de la Russie d’un certain nombre de discours des élites visant à légitimer de différentes manières l’action militaire du Kremlin. La prise de parole de Vladimir Poutine du 24 février, dont le contenu a été repris ad nauseam par les médias russes, annonçait ainsi une « opération spéciale » en Ukraine afin de la débarrasser des « nazis » du gouvernement ukrainien.

En revanche, depuis un mois et demi, le discours des élites politiques et médiatiques russes a connu une croissance de violence inouïe à l’encontre de l’Ukraine et des Ukrainiens. Tandis que la parole présidentielle russe se voulait protectrice, en dépit de sa violence symbolique, de nombreux discours s’attaquent directement à la nation et à l’État ukrainiens, quand ils ne visent pas directement le peuple lui-même.
Depuis l’indépendance ukrainienne en 1991 pourtant, l’Ukraine n’a pas été systématiquement l’objet de discours aussi violents en Russie. Les narratifs russes sur l’Ukraine, notamment par la voix des élites, permettent de mettre en évidence les représentations géopolitiques majeures qui façonnent généralement la façon dont les Russes perçoivent l’Ukraine, et les différents attributs de sa nation : peuple, État, territoire, souveraineté, histoire.
Les représentations géopolitiques désignent, selon Yves Lacoste, « une construction, un ensemble d’idées plus ou moins logiques et cohérentes [destinées à] mettre en scène l’espace »[1], en l’occurrence l’espace ukrainien. L’analyse de ces récits géopolitiques des élites russes durant l’ère postsoviétique permet de montrer la relative complexité des représentations de l’Ukraine en Russie. Surtout, elle permet de mettre en perspective la guerre actuelle et les fondements qui ont permis qu’elle advienne.
D’une manière ou d’une autre, cette représentation minimise ou réfute la légitimité de la nation et de l’État ukrainien