Le Liban au prisme des élections législatives
Pour mieux comprendre le contexte dans lequel se sont déroulées ces élections, il faut rappeler au préalable que le Liban connaît depuis deux ans : une faillite financière privant une grande partie des Libanaises et Libanais de leur épargne bancaire ; une perte de la valeur de la monnaie nationale[1] ; des taux de pauvreté et de chômage records[2] ; des pénuries d’électricité, d’eau, d’essence, de farine et de médicaments ; des tensions politiques et confessionnelles ; et des pressions sur l’institution judiciaire dans le but d’entraver son enquête sur l’explosion meurtrière du port de Beyrouth qui a ravagé le 4 août 2020 des quartiers entiers de la capitale, tuant des centaines de personnes et blessant des milliers d’autres.

Quatre raisons majeures expliquent cet engloutissement dans les abîmes. La première concerne les élites qui gouvernent depuis la fin de la guerre en 1990, et qui sont majoritairement issues de cette guerre, de ses crimes restés impunis, des invasions syrienne et israélienne qui ont suivi son déclenchement, de l’émergence du Hezbollah financé par l’Iran, et de l’hégémonie mafieuse de Damas jusqu’en 2005. À travers la distribution des ressources de l’État suivant leurs logiques de népotisme et à travers les réseaux clientélistes alimentés par l’argent de la reconstruction, ces mêmes élites, rivales mais solidaires quand leurs privilèges sont menacés, ont réussi à imposer leurs choix ou tout au moins à entraver le fonctionnement des institutions étatiques quand il s’avère que ces choix ne sont pas acceptés.
La deuxième raison est la complicité entre banquiers, hommes d’affaires et ténors politiques depuis 1992. Cela a engendré la répartition de contrats juteux et de crédits bancaires entre une minorité d’affairistes affiliés aux forces confessionnelles au pouvoir, et le surendettement de l’État permis et couvert par les ingénieries financières de la Banque centrale, jusqu’à la déroute totale. Le tout sur fond de corruption vertigineuse,