International

« Rien n’est vrai mais tout est réel » : état des lieux de l’extrême droite ukrainienne

Historien

Jusqu’à la chute de l’URSS, l’ultra-nationalisme en Ukraine était resté souterrain, inaudible dans le clivage traditionnel du jeu politique ukrainien polarisé entre pro-occidentaux et pro-russes. Ces forces nationalistes radicales ont su trouver dans les évènements des dix dernières années – Euromaïdan, interventions russes, perte symbolique de la Crimée – un terreau fertile pour leur revitalisation.

Le 24 février 2022, l’armée russe envahit l’Ukraine. Cette intervention a non seulement surpris par sa soudaineté, mais aussi par les éléments de langages du président Vladimir Poutine pour le moins abruptes pour la justifier. S’inscrivant dans une rhétorique puisant aussi bien dans l’historiographie impériale que soviétique, ce discours nie l’existence de l’Ukraine, renvoyée à une « petite Russie » et délégitime l’État ukrainien.

Erreur de l’histoire résultant de la chute de l’URSS en 1991, l’Ukraine serait également selon le président russe dirigée depuis la révolution du Maïdan de 2014 par une « junte fasciste ». Le choix de ces termes ne laisse encore une fois aucun doute sur les considérations du Kremlin vis-à-vis de son voisin occidental : le nationalisme ukrainien serait une invention de l’étranger pour déstabiliser la Russie et ses marges par le biais de « révolutions de couleur ».

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En annonçant que « l’opération militaire spéciale » avait pour principal objectif de « dénazifier » l’Ukraine, Vladimir Poutine se présente au peuple russe non seulement comme un libérateur mais aussi comme un juge. Ainsi, le terme « dénazification » n’est pas dû au hasard.

Celui-ci renvoi à la conférence de Potsdam en 1945 et au procès de Nuremberg de 1946 qui mirent fin à l’idéologie national-socialiste en Allemagne. Si la « dénazification » de l’Ukraine par la Russie dénote aussi bien par son absurdité que son anachronisme[1], elle renvoie pourtant à une certaine réalité…

Le choix du titre de cet article est ainsi délibéré. Reformulation de celui figurant sur la première de couverture de l’ouvrage emblématique du politologue russo-britannique Peter Pomerantsev Rien n’est vrai tout est possible (2019), il entend montrer qu’indépendamment de la propagande russe et de sa capacité perverse à déformer et instrumentaliser n’importe quel fait pour faire accepter au plus grand nombre sa propre doxa messianique, l’extrême droite ukrainienne existe bel et bien et n’est aucuneme


[1] Le nazisme est une idéologie théorisée et déployée entre 1920 et 1945.

[2] « We must secure the existence of our people and a future for white children ».

[3] Oleh Tyahnibok et Dmytro Iarosh candidats respectifs de l’Union Pan-Ukrainienne « Liberté » et du Secteur Droit n’ont obtenu que 1,2 et 0,7 % des voix lors de l’élection présidentielle de Mai 2014. D’autre part les candidats nationalistes n’obtiennent aux législatives du 26 octobre 2014 que 7 sièges.

[4] Respectivement les mouvements et partis : Union Pan-Ukrainienne « Liberté », Secteur Droit, Corps National, C14, UNA-UNSO et Congrès des Nationalistes Ukrainiens.

Adrien Nonjon

Historien, Doctorant au Centre de Recherches Europe(s) Eurasie de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales

Notes

[1] Le nazisme est une idéologie théorisée et déployée entre 1920 et 1945.

[2] « We must secure the existence of our people and a future for white children ».

[3] Oleh Tyahnibok et Dmytro Iarosh candidats respectifs de l’Union Pan-Ukrainienne « Liberté » et du Secteur Droit n’ont obtenu que 1,2 et 0,7 % des voix lors de l’élection présidentielle de Mai 2014. D’autre part les candidats nationalistes n’obtiennent aux législatives du 26 octobre 2014 que 7 sièges.

[4] Respectivement les mouvements et partis : Union Pan-Ukrainienne « Liberté », Secteur Droit, Corps National, C14, UNA-UNSO et Congrès des Nationalistes Ukrainiens.