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Les rescapés de Bisesero : résister, échapper, survivre au génocide des Tutsi

Historien

Le 13 mai dernier, la mairie de Paris inaugurait dans le 18e arrondissement la place Aminadabu Birara. Commémorer ce héros rwandais de la résistance au génocide, tué le 25 juin 1994, c’est souligner le courage et la détermination des civils tutsi qui tentèrent de sauver leur vie et qui ont choisi pour cela la voie du combat. C’est aussi mettre en valeur le rôle de la communauté internationale, particulièrement celui de la France, dans le sort réservé à la population tutsi.

En novembre 2021, la ville de Paris a décidé de baptiser une place du 18e arrondissement du nom d’un des héros rwandais de la résistance au génocide, Aminadabu Birara. Après avoir survécu aux massacres de 1959, 1963 et 1973, celui-ci prend en 1994 la tête de la résistance menée par des civils rwandais dans la région de Bisesero. Pour un historien qui travaille sur la relation franco-rwandaise, cette décision n’est pas neutre. Dans un État, la France, où le déni a longtemps servi de socle à la parole officielle, une telle décision revêt une valeur symbolique et affective particulière pour celles et ceux qui militent depuis 1994, en France et au Rwanda, pour que le génocide des Tutsi soit pleinement reconnu.

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Cet événement offre l’occasion de revenir, en historien, sur la résistance organisée à Bisesero et sur le rôle spécifique joué par Aminadabu Birara. Les modalités de cette résistance, de même que la nature des massacres commis dans ces collines, sont désormais bien documentées. Témoignages, archives publiques françaises et rwandaises, archives du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) – procès Kayishema et Ruzindana par exemple, documents de presse, de radio et de télévision, permettent de comprendre comment Bisesero est à la fois un lieu de résistance et un des principaux lieux de massacres du génocide. Se retourner sur Bisesero, c’est donc aussi réinterroger les conditions de possibilité et d’exécution du génocide.

Ce lieu est enfin un des symboles des tensions mémorielles qui persistent autour du rôle joué par la France avant, pendant et à l’issue du génocide. C’est par cette dimension que l’auteur de ces lignes a rencontré Bisesero lors de recherches universitaires qui portaient sur la médiatisation du génocide des Tutsi. Quelques journalistes ont en effet joué un rôle crucial dans la découverte des rescapés les 26 et 27 juin, puis dans l’intervention française du 30 juin 1994. Cette contribution proposera donc, dans sa dernière scansion,


[1] Pour Jacques Morel, l’armée française aurait été informée de l’existence de massacres à Bisesero dès les 21 et 23 juin par la sœur Marie Julianne Farrington : Jacques Morel, « Le massacre de Bisesero en présence des Français (24 juin-30 juin 1994). Une enquête », Les Temps Modernes, n° 680-681, 2014/4-5, p. 112.

[2] Si l’on en croit le témoignage de Marin Gillier à la mission d’information parlementaire de 1998, Charles Sikubwabo semble plus crédible que le journaliste Sam Kiley, pris pour un agent de renseignement par les militaires français.

[3] Jacques Rosier a dirigé le DAMI de juin à novembre 1992. Son second, le lieutenant-colonel Marcel Gegou, a dirigé le secteur de Byumba au moment de l’opération Chimère en 1993.

François Robinet

Historien, Maître de conférence à l'Université de Versailles-Saint-Quentin

Notes

[1] Pour Jacques Morel, l’armée française aurait été informée de l’existence de massacres à Bisesero dès les 21 et 23 juin par la sœur Marie Julianne Farrington : Jacques Morel, « Le massacre de Bisesero en présence des Français (24 juin-30 juin 1994). Une enquête », Les Temps Modernes, n° 680-681, 2014/4-5, p. 112.

[2] Si l’on en croit le témoignage de Marin Gillier à la mission d’information parlementaire de 1998, Charles Sikubwabo semble plus crédible que le journaliste Sam Kiley, pris pour un agent de renseignement par les militaires français.

[3] Jacques Rosier a dirigé le DAMI de juin à novembre 1992. Son second, le lieutenant-colonel Marcel Gegou, a dirigé le secteur de Byumba au moment de l’opération Chimère en 1993.