Économie

Comment monnayer la transition écologique ?

Economiste, Sociologue

Jusque dans les années 1970, on considérait que la terre était immense, les ressources illimitées et la monnaie, encore liée à l’or à travers le dollar, rare. Aujourd’hui, on constate que la terre est petite, les ressources limitées et la monnaie abondante et illimitée. Les politiques publiques se doivent désormais d’orienter et d’accompagner les actions de transformation du secteur privé. Parmi elles, la politique monétaire a un rôle important à jouer pour que les flux financiers s’alignent sur des trajectoires bas carbone.

Les dérèglements climatiques et l’effondrement de la biodiversité sont probablement les dangers les plus graves que l’humanité ait jamais eu à affronter.

La transition écologique vise à régénérer la biodiversité qui peut l’être et à limiter les dérèglements climatiques. à défaut d’y réussir, il faut se préparer à vivre dans un environnement inhospitalier. La transition nécessite une adaptation rapide de tous les secteurs d’activité humaine et des investissements gigantesques dont le financement est problématique.

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Acteurs privés et acteurs publics doivent unir leurs efforts de transformation. Les politiques publiques ont à orienter et accompagner les actions de transformation du secteur privé. Parmi elles, la politique monétaire a un rôle important à jouer pour que les flux financiers s’alignent sur des trajectoires bas carbone.

Mais dans quelles limites, cette politique monétaire peut-elle contribuer à la transition écologique ? Un tel objectif ne va pas de soi car, à travers l’histoire, la monnaie a toujours été instituée pour financer soit des objectifs régaliens (armée, police, justice), soit des objectifs mercantiles. Jamais le financement de la préservation de la nature ou le financement du bien commun n’ont été un objectif monétaire.

À la décharge des décideurs publics, il faut dire que la question environnementale ne s’est jamais posée avec l’acuité actuelle. Jusque dans les années 1970, on considérait que la terre était immense, que les ressources étaient illimitées et que la monnaie, qui était encore liée à l’or à travers le dollar, était rare. Aujourd’hui, on constate que la terre est petite, que les ressources sont limitées et que la monnaie, de nature scripturale, est abondante et illimitée. Les fondements de ce qui constitue notre culture économique et monétaire ont été complètement inversés sans que toutes les conclusions de ce constat n’aient été tirées. Un important chemin conceptuel reste à faire.

L’intégration de l’information environneme


[1] Mark Carney, « Breaking the tragedy of the horizon – climate change and financial stability », Discours, Bank of England, 29 septembre 2015. Trad.fr : « Mettre fin à la tragédie des biens lointains : changement climatique et stabilité financière », par Michel Lepetit (Président de Global Warning et Vice-Président de The Shift Project).

[2] Bruno Palier, « Path dependence (Dépendance au chemin emprunté) », dans : Laurie Boussaguet éd., Dictionnaire des politiques publiques. 3e édition actualisée et augmentée. Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2010, p. 411-419.

[3] Sur le concept de monnaie endogène, on se rappellera que les mécanismes de la création monétaire ont, à travers le temps, oscillé entre deux pôles, le pôle « exogène » et le pôle « endogène ». Historiquement, c’est toujours l’Etat ou le Souverain qui ont défini l’unité de compte (franc, euro, dollar, livre, etc.). En régime de monnaie métallique, la frappe de la monnaie était une compétence régalienne, exclusivement. C’était un régime de monnaie dit « exogène » parce que la création de la monnaie dépendait de facteurs non économiques (décision du souverain, découverte et exploitation de mines, invasion, paiement ou encaissement de tributs, prises de guerre, rançons, etc.). Dans le régime contemporain de monnaie scripturale, ce sont les banques, centrales et commerciales qui créent leurs propres moyens de paiement en octroyant des crédits exprimés dans l’unité de compte. Les banques centrales (banques des banques) octroient des crédits aux banques commerciales et les banques commerciales octroient des crédits aux entreprises, aux particuliers et aux autorités publiques. Ce sont donc les crédits bancaires qui créent les unités de compte qui circulent comme monnaie. Ce sont bien des crédits qui circulent entre les banques au travers des entreprises, des particuliers et des autorités publiques. C’est ce qu’on appelle le « mode bancaire de création monétaire ». C’est un régime de « monnaie

Jézabel Couppey-Soubeyran

Economiste, Maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, conseillère scientifique à l'Institut Veblen

Pierre Delandre

Sociologue, Haut cadre dans le secteur bancaire public et chercheur associé à l'Etopia (Belgique)

Notes

[1] Mark Carney, « Breaking the tragedy of the horizon – climate change and financial stability », Discours, Bank of England, 29 septembre 2015. Trad.fr : « Mettre fin à la tragédie des biens lointains : changement climatique et stabilité financière », par Michel Lepetit (Président de Global Warning et Vice-Président de The Shift Project).

[2] Bruno Palier, « Path dependence (Dépendance au chemin emprunté) », dans : Laurie Boussaguet éd., Dictionnaire des politiques publiques. 3e édition actualisée et augmentée. Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2010, p. 411-419.

[3] Sur le concept de monnaie endogène, on se rappellera que les mécanismes de la création monétaire ont, à travers le temps, oscillé entre deux pôles, le pôle « exogène » et le pôle « endogène ». Historiquement, c’est toujours l’Etat ou le Souverain qui ont défini l’unité de compte (franc, euro, dollar, livre, etc.). En régime de monnaie métallique, la frappe de la monnaie était une compétence régalienne, exclusivement. C’était un régime de monnaie dit « exogène » parce que la création de la monnaie dépendait de facteurs non économiques (décision du souverain, découverte et exploitation de mines, invasion, paiement ou encaissement de tributs, prises de guerre, rançons, etc.). Dans le régime contemporain de monnaie scripturale, ce sont les banques, centrales et commerciales qui créent leurs propres moyens de paiement en octroyant des crédits exprimés dans l’unité de compte. Les banques centrales (banques des banques) octroient des crédits aux banques commerciales et les banques commerciales octroient des crédits aux entreprises, aux particuliers et aux autorités publiques. Ce sont donc les crédits bancaires qui créent les unités de compte qui circulent comme monnaie. Ce sont bien des crédits qui circulent entre les banques au travers des entreprises, des particuliers et des autorités publiques. C’est ce qu’on appelle le « mode bancaire de création monétaire ». C’est un régime de « monnaie