Francia Márquez, Aïda, Léonor et les autres : visibilité et invisibilité des femmes en Colombie
Après trois siècles de colonisation et 203 ans de république, Gustavo Petro est le premier président élu de gauche en Colombie. Cette victoire incontestée a été rendue possible par un ensemble de facteurs qui associent la démobilisation des FARC sous le gouvernement libéral de Santos (2010-2018), privant l’extrême droite d’une bonne part de ses arguments de campagne, les grandes médiocrité et corruption du gouvernement d’extrême droite d’Ivan Duque (2018-2022), sa répression sanglante de la grève nationale de 2021 et la mobilisation d’une jeunesse qui, après la rue, s’est exprimée dans les urnes, les révélations des militaires devant la JEP (Justice spéciale pour la paix) sur les mascarades macabres des « faux positifs », les 6402 civils innocents assassinés par l’armée et déguisés grossièrement en guérilleros pour truquer les chiffres de la guerre en faveur de l’État sous le gouvernement d’Alvaro Uribe (2002-2010)[1].

Cette victoire s’accompagne d’un profond renouvellement au niveau du Congrès où 40% des élus députés et sénateurs ne font plus partie de l’oligarchie blanche détenant le pouvoir économique et politique dans ce pays. Le 20 juillet 2022, jour de l’investiture du Congrès, on voyait ainsi, à côté des député.es et sénatrices ou sénateurs vêtus à l’occidental, d’autres arborant fièrement les costumes de leurs communautés, comme les splendides robes wayúu ou les petits chapeaux nasa.
Cette présence des couleurs, des vêtements et des peaux – celles des amérindien.nes et des afro-descendant.es – ne peut être réduite à un folklore sympathique ou à la promotion d’un nouvel artisanat de luxe ethnique-chic. Il s’agit d’une affirmation de la pluralité constitutive du peuple colombien à ce jour inédite.
Même si les droits des dites minorités ont été garantis dans la Constitution de 1991, précisément celle qui fut élaborée comme condition de la démobilisation du M19, l’ex-guérilla où le jeune Petro commença sa carrière politique, il aura fallu trente ans de