Ecologie

L’arbre, un nouvel enjeu politique ?

Historien

La multiplication des mobilisations contre les abattages d’arbres signale une nouvelle étape dans notre relation socio-politique au vivant. Si l’urgence écologique actuelle n’y est pas pour rien, l’histoire du rapport politique à l’arbre, jamais véritablement écrite, remonte au moins au XVIe siècle. En brosser les contours permet d’identifier, chez les opposants à l’abattage, un attachement à une écologie du vécu bien différente de la perspective comptable qui, pour un arbre abattu, se contente d’en planter un nouveau.

Depuis maintenant une dizaine d’années, les mobilisations contre les abattages d’arbres se multiplient en France, touchant des territoires et des populations aux profils divers sans réelle concertation. L’ampleur prise par le phénomène interroge doublement : s’agit-il vraiment d’une nouveauté et si oui est-elle la manifestation d’un nouveau rapport aux arbres ; comment s’articule-t-elle avec la montée en puissance des préoccupations d’habitabilité et des revendications écologiques ?

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Ces mobilisations sont avant tout urbaines. Si la médiatisation autour des arbres centenaires du Champ de Mars au printemps dernier a mis en lumière une mouvance militante pro-arbres, celle-ci s’inscrivait dans une tendance plus profonde jusque là cantonnée à la presse locale. Que ce soit à Avignon en 2015, à Aix-en-Provence en 2017, à Gien en 2018, à Condom ou Saint-Malo en 2019, à Blagnac en 2021 ou Meaux en 2021 et 2022 (entre autres exemples), la plupart des projets nécessitant l’abattage d’arbres font l’objet de vives contestations.

Si les années 2000 n’en étaient pas exemptes, le développement des pétitions en ligne et du recours systématique aux réseaux sociaux donne désormais un écho sans précédent à une question traitée jusque là comme anecdotique. Tout en étant peut-être moins touché par ce type de projet et par ces mobilisations, le monde rural n’est pas en reste, comme à Puichéric dans l’Aude ou le Mas d’Azil en Ariège en 2021.

Il faut noter que ces mobilisations ne sont pas propres à la France, puisqu’on assiste au même phénomène dans différents pays européens, par exemple à Sheffield en 2017, à Varsovie qui a vu se multiplier les actions depuis 2010 ou encore Genève en 2021, sans oublier le Parc Gezi d’Istanbul en 2013 où la contestation d’abord écologiste a servi de révélateur à une crise politique plus profonde. En France, les protestations sont d’abord le fait de riverains peu habitués aux méthodes militantes, souvent soutenus par des associations écologistes l


Mickaël Wilmart

Historien, Ingénieur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)