Race, classe et sciences sociales : poursuivre le débat
Le photographe et cinéaste William Klein et le réalisateur Jean-Luc Godard sont morts à quelques jours d’écart, presque au même âge. Si l’on regarde leur filmographie, on constate que chacun d’eux a consacré un film, à la fin des années 1960, aux Black Panthers, preuve des liens, à cette époque, entre luttes sociales et production artistique, tout autant que de la fascination exercée dans le monde entier par le mouvement noir.

Le film de William Klein, Eldridge Cleaver, Black Panther, réalisé en 1969, est consacré au dirigeant noir américain. Sur les images, Eldridge Cleaver, déjà réfugié à Alger, est vêtu d’un t-shirt à col montant jaune moutarde, très moulant. Il a sur le nez des lunettes de soleil aviateur, un bijou à l’oreille gauche et un pantalon étroit. Il marche fièrement dans les rues de la Casbah d’Alger, décontracté, allume cigarette sur cigarette, prend le temps de les porter lentement à ses lèvres, d’aspirer et de recracher la fumée. On comprend la fascination qu’il a pu exercer. Il est aussi à l’aise qu’incongru. Il marche et il parle, longuement, explique sa conception de la révolution nécessaire aux États-Unis, le racisme, l’exil. Il croise des enfants, des hommes assis aux cafés, des femmes affairées, le corps, la chevelure et même le visage voilés de blanc, à tel point qu’on ne distingue que leurs yeux et, curieusement, leurs avant-bras nus.
Un enfant se penche pour se désaltérer à un robinet dans la rue, Cleaver fait de même et s’essuie la bouche. Il avance dans le souk et entre dans une échoppe, je vais acheter un couteau, il dit, et il ressort avec son arme, la lame jaillit quand on appuie sur un ressort. Il le fait plusieurs fois, il appuie, rentre la lame, appuie de nouveau. Il provoque, c’est pour mes amis de Babylone, c’est un cadeau pour le maire Alioto, Joseph Alioto, le maire démocrate de San Francisco entre 1968 et 1976. Ça pourrait servir pour lui « couper les couilles », il ajoute. À un moment il s’arrête dans la rue et se la