La Sécu c’est le conflit, pas le consensus !
Depuis le 19 octobre, la première ministre Elisabeth Borne a utilisé 10 fois l’article 49 alinéa 3 de la constitution qui permet d’adopter un projet de loi sans débat ni vote à l’Assemblée nationale. Dans la moitié des cas, il s’agissait d’adopter le Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il se murmure par ailleurs que la ministre envisage d’utiliser la même procédure pour adopter une réforme des retraites particulièrement impopulaire. Bien évidemment, l’opposition politique, syndicale ou associative n’apprécie aucunement ces méthodes. La multiplication des 49-3, n’est-elle pas la preuve d’un déni de démocratie et d’une dérive autoritaire ?
Lorsque l’on se remémore l’histoire de la sécurité sociale, il apparaît que le « coup de force » est la règle et non l’exception. Les grands textes juridiques qui fondent cette institution sont souvent adoptés par des procédures dérogatoires contournant ou brutalisant la représentation nationale. Prenons quelques exemples parmi les plus importants.
Le régime général de sécurité sociale est fondé par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945, c’est-à-dire par une procédure de délégation du pouvoir législatif à l’exécutif. Ces ordonnances sont elles-mêmes issues d’un gouvernement provisoire non élu (les premières élections au niveau national après la Libération se déroulent le 21 octobre 1945). La première grande réforme hospitalière de l’après-guerre doit attendre les ordonnances de 1958 dans un contexte de révolution algérienne où le président de la République dispose des pleins pouvoirs.
En plus de la création des centres hospitalo-universitaires, c’est à ce moment-là, et toujours par ordonnance, que les études médicales sont réorganisées. Plus tard, l’ordonnance de 1967 portée par Jean-Marcel Jeanneney et Charles de Gaulle modifie radicalement le fonctionnement de la sécurité sociale en séparant l’institution en plusieurs caisses, en imposant le paritarisme alors que les représentants ouvriers étaient majoritaires