La guerre russo-ukrainienne, un conflit nationaliste

Politiste

Il y a un an débutait « l’opération spéciale militaire » lancée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine. À cette guerre, qui a pris de court la communauté internationale, on prédisait un dénouement imminent, et la plupart du temps au profit de Moscou. Elle s’est pourtant inscrite dans la durée, tout en s’enfermant dans une logique d’escalade. Beaucoup d’analyses pertinentes ont été produites sur cette guerre mais un aspect demeure à ce jour sous-estimé : sa dimension identitaire, relevant de dynamiques nationalistes de part et d’autre.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine fournit un exemple de conflit nationaliste entre deux États[1], à condition qu’on utilise le terme « nationalisme » comme une catégorie d’analyse, libre a priori de tout jugement de valeur.

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La première façon d’appréhender le concept de nationalisme est de le rapporter au principe moderne de légitimité politique selon lequel les peuples n’ont pas à être gouvernés par des étrangers, mais par les membres d’un même groupe ethnique ou national. Dans ce sillage, le nationalisme peut être défini comme « une forme de politique », axée sur les rapports de pouvoir dans un État et porté par des acteurs qui cherchent à exercer, ou exercent, le pouvoir étatique au nom de la nation. Celle-ci est susceptible d’avoir, et d’entretenir, une identité singulière permettant de la distinguer des autres nations. Les intérêts et les valeurs de la nation, sa souveraineté au premier chef, sont proclamés comme étant supérieurs à toute autre considération d’ordre individuel ou corporatiste[2].

Cette approche a le mérite d’accentuer le caractère éminemment politique du nationalisme et met en lumière sa dimension parfaitement rationnelle : le nationalisme résulte d’une volonté des acteurs de conquérir, de conserver et d’exercer le pouvoir, et ce malgré l’apparente irrationalité des revendications nationalistes, qui en appellent aux émotions collectives.

Si l’on retient cette définition du nationalisme « par la politique », il ne serait pas injustifié d’affirmer, statistiques en main, qu’il fut, et reste, un moteur clef de la guerre au cours des deux derniers siècles[3]. Les guerres interétatiques et les conflits civils ont en effet accompagné la généralisation de l’idée selon laquelle les peuples ont le droit de se gouverner eux-mêmes, sans pour autant aboutir à ce que la nation au sens plein du terme – communauté jouissant d’une souveraineté complète, d’un régime démocratique et d’une unité morale et culturelle – devienne une donnée universelle[4].

Aujourd’hui, la guerre russo-ukrainienne confirme un rapport étroit entre guerre et nationalisme.

Les principes de l’identité nationale, de l’intégrité territoriale et de l’autonomie politique dont disposent, ou sont censées disposer, les nations indépendantes sont au cœur même de la guerre en cours. L’Ukraine se bat pour sa survie et sa future existence. Elle rejette à la fois la domination étrangère et réclame, face à l’intervention armée de la Russie, le droit de s’autogouverner, à savoir de définir de manière souveraine les normes d’organisation politique à l’intérieur, d’entretenir une culture nationale distincte et de fixer librement les rapports avec les autres États.

La Russie, elle, refuse ce droit aux Ukrainiens et remet en cause l’existence de l’Ukraine en tant qu’État souverain et nation à part entière. La vision de l’Ukraine promue par les autorités russes la dépeint comme un État en déliquescence, étant tombé aux mains d’un centre d’influence étranger : « l’Occident collectif ».

Le motif de la souveraineté menacée est revendiqué, avec plus ou moins de crédibilité, par les deux États en guerre. Lorsque l’Ukraine, attaquée, fait face à un véritable et imminent danger de mort, l’État russe invoque à son tour une menace existentielle, provenant de l’ouest, à son indépendance ainsi qu’à sa place sur la scène internationale[5].

Deux nationalismes aux caractères très différents

Deux formes de nationalisme s’affrontent dans cette guerre, laquelle contribue encore à les alimenter. D’un côté, l’agression militaire de la Russie s’appuie sur un nationalisme revanchard combinant la revendication de l’unité nationale des Ukrainiens et des Russes avec un sentiment de nostalgie de grandeur impérialo-nationale. Ce nationalisme est protéiforme.

La présidence russe fait appel à une nation multiethnique et composite, élevée au rang de civilisation. Cela invoque l’existence d’une communauté qui dépasserait les frontières internationalement reconnues de l’État et dessine les contours d’une Russie « historique ».

Provenant d’une synthèse singulière de cultures et de traditions – européenne et asiatique, slave et turcique, orthodoxe et musulmane –, elle se fonde toutefois sur la dominante culturelle russe, tel un ciment[6]. Le maintien d’un vaste État territorial au nord de l’Eurasie est considéré comme une mission historique du peuple russe et des populations alliées. Le territoire et le peuple ukrainiens en feraient « naturellement » partie, étant donné que Kiev constitue un lieu symbolique pour cette civilisation depuis ses origines et que les Petits-Russes, devenus Ukrainiens, furent intégrés dans les projets impériaux portés par la couronne des Romanov puis le Parti communiste.

Aujourd’hui, Vladimir Poutine puise à la fois dans les imaginaires tsariste et soviétique de l’unité russo-ukrainienne, de manière contradictoire : tandis que le premier affirme que Russes et Ukrainiens ne forment qu’un « seul et même peuple », le second reconnait leurs individualités respectives, conscrites toutefois dans une relation « fraternelle ». Si le discours officiel russe dépeint les Ukrainiens loyaux à leur État et au gouvernement de Volodymyr Zelensky comme des ennemis, la population civile ukrainienne n’en est pas moins envisagée comme autant de membres (potentiels) de la communauté nationale-civilisationnelle russe.

Toujours est-il que le motif invoqué par le régime de Poutine – la protection des populations russophones qui seraient sur le point d’être « ukrainisées », assimilées dans la culture dominante du pays voisin – emprunte au langage du nationalisme ethnique. Celui-ci est, centré sur la notion de parenté, attestée par une langue, une culture commune ou des origines partagées. Poussée à l’extrême, la logique ethnonationaliste n’accepte ni la diplomatie ni les négociations de paix, la « seule option étant la guerre, coûte que coûte[7] ». Sans adhérer à cette idéologie, le régime de Vladimir Poutine s’en sert pour justifier son bellicisme par la « russophobie » de l’État ukrainien et des Occidentaux, tout en réprimant les ethnonationalistes d’opposition à l’intérieur de la Russie[8].

En somme, il s’agit d’un nationalisme territorial et de conquête, qui s’inspire d’une proximité culturelle et historique des deux populations slaves. Ce qui fait de la Russie un « État en cours de nationalisation, agressif et lésé[9] », plutôt qu’un empire néo-soviétique.

De l’autre côté, les autorités ukrainiennes font appel à l’imaginaire de la nation en armes, appelée à défendre la patrie fragilisée contre un ennemi despotique et un occupant puissant : le « Goliath » russe, selon les propos de Volodymyr Zelensky à la Conférence de Munich sur la sécurité de février 2023[10]. Ceci est un nationalisme civique qui, en temps de guerre, mobilise la communauté des citoyens au nom de la valeur suprême de la nation souveraine et par-delà les divisions internes. Les diverses fractions de la classe politique ukrainienne, traditionnellement morcelée, ont mis leurs différends de côté pour mettre en œuvre une union sacrée. L’invasion russe, débutée il y a un an, a façonné une grande cohésion au sein de la société ukrainienne, avec de très nombreux Ukrainiens, ukrainophones, russophones ou bilingues, exprimant leur soutien entier au gouvernement en place, s’engageant volontairement dans les forces armées ou participant massivement à l’action humanitaire.

Ce nationalisme reste exigeant voire restrictif, avec la proclamation d’une mobilisation générale, mais s’appuie sur une conscience politique du citoyen et son dévouement pour la collectivité. Le contraste est saisissant avec les détenus recrutés à travers la Russie par une société militaire privée, Wagner, puis envoyés au front, en violation parfaite de la législation russe.

L’imaginaire de la nation en armes, consacré autrefois en France par la Marseillaise et la bataille de Valmy, est véhiculé dans l’Ukraine d’aujourd’hui en même temps qu’un récit opposant la démocratie ukrainienne aux renaissants totalitarisme, impérialisme ou colonialisme russes, dont les valeurs seraient à l’opposé extrême des principes de la liberté, de la démocratie et des droits humains portés par l’Ukraine. D’autant plus qu’elle est imaginée comme un rempart de la civilisation européenne, ou du monde occidental, face à la « barbarie » russe, dans la ligne d’une représentation pérenne de la Russie et des Russes dans le débat européen à l’époque moderne[11].

Certes, les avancées démocratiques en Ukraine demeurent fort limitées, tout particulièrement en matière d’État de droit et de lutte contre la corruption, tandis que la centralisation du pouvoir autour du Conseil de défense et de sécurité nationale, formé par le président, constitue une tendance dangereuse. Il n’empêche que le système politique ukrainien est éminemment plus ouvert et plus concurrentiel que le système russe[12].

La décision des vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne d’accorder, en juin 2022, à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion est hautement symbolique. Non seulement elle intervient en contexte de guerre ouverte, mais elle honore aussi, ne serait-ce qu’indirectement, une certaine forme de nationalisme : civique, pro-européen, en armes. Du jamais-vu en Union européenne, qui se veut une terre de paix par excellence et dont le mythe fondateur, entretenu par ses instances dirigeantes, la dépeint comme la réponse décisive aux destructions de la guerre, provoquée et exacerbée par les nationalismes de la première moitié du XXe siècle[13]. À rebours de la célèbre formule de François Mitterrand, « le nationalisme, c’est la guerre ! », on (re)découvre en Europe que tous les nationalismes ne se valent pas, d’autant plus en temps de guerre.

La guerre comme une force « nationalisatrice »

Si les modèles de nationalisme portés par les gouvernements russe et ukrainien sont différents voire opposés, les effets que la guerre produit sur les populations sont similaires au sein des États belligérants. À l’époque moderne, la guerre est un contexte mobilisateur affectant la population d’un territoire concerné. Elle contribue ainsi à galvaniser les expériences nationalistes précédemment accumulées, qui prennent alors des formes (plus) violentes et militarisées[14].

La première victime d’une guerre n’est pas tant la vérité que la mesure : le débat se simplifie à outrance, le dialogue cesse et la rhétorique se radicalise. Depuis le lancement de l’invasion de l’Ukraine, le gouvernement russe justifie son bellicisme par un besoin de « dénazifier » l’Ukraine et s’efforce de présenter le président Volodymyr Zelensky comme une réincarnation d’Hitler. Les autorités ukrainiennes comparent en retour l’invasion de leur pays par les armées russes à celle de l’Europe par l’Allemagne nazie, tout en approuvant l’usage du néologisme « rachisme » (contraction de « Russie » et de « fascisme »).

En dépit de ces parallèles ayant envahi les discussions aussi bien politiques qu’académiques, le régime de Vladimir Poutine reste typologiquement plus proche d’une dictature personnaliste et conservatrice que d’un régime fasciste, au sens analytique (et non polémique) du terme. Le fascisme suppose une mobilisation totale des citoyens, ainsi qu’une idéologie révolutionnaire appelant une régénération nationale par la violence. Or, les deux font toujours défaut au régime poutinien et à la société russe, qui ne semble pas être disposée à faire les sacrifices exigés par la guerre[15].

Un autre exemple : les radicaux russes galvanisés – dont le « parti de la guerre » au sein des élites représenté notamment par l’ancien président Dmitri Medvedev –, continuent d’appeler à anéantir l’État ukrainien en procédant à la mobilisation de toutes les ressources (militaires, humaines, économiques), quitte à faire usage des armes nucléaires[16]. Il est à noter que, contrairement aux médias d’opposition et à ceux qui ont manifesté contre la guerre et la mobilisation, aucun faiseur d’opinion pro-guerre n’a été censuré en vertu de la loi interdisant toute critique de l’armée russe[17].

En Ukraine comme en Occident, des voix se lèvent en faveur d’une « décolonisation » de la Fédération de Russie, désignée comme étant le « dernier empire colonial », notamment par le biais d’un soutien politique et économique aux nationalismes des minorités ethniques[18] de Russie. Ces déclarations se multiplient et sont même reprises par des représentants de l’État ukrainien, comme le secrétaire du Conseil de défense et de sécurité nationale Oleksiy Danilov[19]. Cette rhétorique radicale ne tient à l’évidence pas compte des risques très élevés en matière de déstabilisation géopolitique et de déchainement de la violence qui suivraient l’éclatement d’un État multiethnique disposant du plus grand arsenal nucléaire au monde[20].

En octobre 2022, le Parlement ukrainien a reconnu le gouvernement tchétchène exilé d’Akhmed Zakaev, déclaré la Tchétchénie comme étant un « territoire temporairement occupé par la Russie » et condamné le « génocide contre les Tchétchènes » perpétré par le pouvoir russe dans les années 1990. Des députés du parti présidentiel ukrainien Serviteur du peuple militent également pour la reconnaissance de l’indépendance des autres républiques ethniques faisant partie de la Fédération russe[21].

Comme par effet de miroir, Vladimir Poutine mobilise le discours anticolonialiste, largement inspiré du passé soviétique, en en faisant une arme rhétorique tournée contre « l’hégémonie » américaine/occidentale et un outil d’influence visant les pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie[22].

Aujourd’hui, les autorités russes comme ukrainiennes ont systématiquement recours à la « politique de la cinquième colonne[23] », consistant à identifier et marginaliser les « traîtres à la nation » ou « les agents de l’étranger », supposément engagés dans des activités destructrices dans l’intérêt de l’Occident ou de Moscou, respectivement. Si cette tendance remonte à 2014, elle a atteint son apogée au lendemain de l’invasion à grande échelle. Dès mars 2022, Vladimir Poutine invoquait une nécessaire « purification » de la société russe, et ce sur fond de muselage des voix opposées à la guerre. Parallèlement, Volodymyr Zelensky a interdit en Ukraine onze partis politiques d’opposition accusés d’être « pro-russes », dont Plateforme d’opposition – Pour la vie, et retiré la nationalité ukrainienne à des personnalités politiques, des oligarques et des prêtres rattachés au Patriarcat de Moscou.

Des expressions populaires du nationalisme sous-tendent le récit de la bataille du Bien contre le Mal mobilisé par les dirigeants. On peut citer à cet égard des pratiques discursives opérant une déshumanisation réciproque du groupe ennemi entier. Là aussi, ces logiques de bestialisation ont été forgées dès 2014, l’annexion de la Crimée et le début des hostilités dans le Donbass marquant un point de rupture, avant de revenir en force dès 2022. Sur les réseaux sociaux, des Russes et des Ukrainiens ne cessent ainsi de se maudir les uns les autres, les premiers se faisant traiter « d’orques » (orki) et de « cochono-chiens » (svinosobaki), les seconds « d’ukraino-nazis » (oukronatsisty). Inutile de dire que cette déshumanisation rend toutes formes de violences de guerre moins illégitimes, voire pleinement assumées.

Enfin, les deux États se lancent des accusations de terrorisme et de génocide. Elles se sont également multipliées depuis le lancement de « l’opération militaire spéciale » par Moscou. Force est donc de constater que la « nationalisation » du conflit s’est opérée, et est susceptible de s’intensifier davantage.

L’émancipation de l’Ukraine et la séparation effective des sociétés

La disparition de l’URSS, il y a plus de trente ans, a signé la fin d’un projet politique commun à travers l’indépendance de deux sociétés apparentées et historiquement imbriquées, la Russie et l’Ukraine[24].

Les pays ont depuis suivi des trajectoires différentes, notamment sur le plan politique : l’Ukraine a, après tout, connu deux révolutions, ce qui permet de parler d’une culture citoyenne bien particulière. Mais l’inertie mentale, qui fait encore florès à Moscou, a longtemps empêché Vladimir Poutine et son entourage, de même que de larges couches de la société russe, de prendre au sérieux la souveraineté ukrainienne, ainsi que ses attributs essentiels tels que les frontières. L’invasion russe de l’Ukraine a démontré que c’était une illusion, qui a déjà coûté plusieurs dizaines de milliers de vies.

La décision de lancer une guerre a mis en exergue la misère de l’expertise russe sur l’Ukraine. De multiples signes pointaient pourtant dans la même direction : après l’accession à l’indépendance, l’objectif ultime pour l’Ukraine « était d’affirmer son identité nationale distincte et sa souveraineté, ce qui signifie, en termes pratiques, d’obtenir la reconnaissance de sa séparation de la Russie[25] ». Cette dynamique a notamment abouti à l’élaboration d’un nouveau récit historique n’étant pas centré sur la Russie ; depuis l’Euromaïdan, ce récit a été renforcé par une politique de « décommunisation ».

S’y ajoutent le déclassement progressif de la langue russe et la création d’une Église orthodoxe unie, en décembre 2018, qui échappe désormais au contrôle de Moscou. Tous ces éléments, et bien d’autres, ont contribué à l’émancipation de l’Ukraine de la domination russe, processus ayant exercé une influence décisive sur la politique identitaire en Russie. En bref, « la construction de la nation en Ukraine oblige à reconstruire la nation russe[26] ».

Le nationalisme russe est réactionnaire dans la mesure où il relève d’une réaction violente à la construction d’un État-nation ukrainien pleinement indépendant ; construction qui peut, à certains égards, être mise en perspective avec les décolonisations du siècle dernier, dont la plupart se sont faites dans la violence. Cette approche permet d’expliquer le « délai de retard » de vingt-deux à trente ans qui se sont écoulés depuis la chute de l’Union soviétique avant que la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’éclate, en 2014 puis en 2022. Le temps qu’il fallût pour que le projet national ukrainien prenne forme.

En s’efforçant de déjouer la transformation de l’Ukraine en une « anti-Russie », le Kremlin a fait preuve de prophétie autoréalisatrice. Du jour au lendemain, arrêter de parler russe, cette « langue de l’occupant », et ne pas la transmettre aux enfants est devenu un geste patriotique pour bon nombre d’Ukrainiens.

Tandis que l’État russe s’efforce de « russifier » les territoires ukrainiens occupés, l’apprentissage de la langue et de la cultures russes n’a guère d’avenir dans une Ukraine souveraine. L’adhésion citoyenne au récit antisoviétique et antirusse y sera également renforcée.

Les conséquences de cette guerre risquent de se faire ressentir pendant des générations, comme le montre l’exemple des guerres de Yougoslavie. Elles peuvent aussi conduire à de nouvelles explosions de la violence, à l’instar du conflit non résolu dans le Haut-Karabakh, tout en aggravant les conditions socio-économiques de nombreuses populations. De même, la guerre russo-ukrainienne est susceptible d’accroître, jusqu’à l’excès, la présence du facteur (para)militaire dans la vie sociale et politique des deux pays[27], et de nourrir des sentiments d’antagonisme, d’humiliation et de revanche.

Quelle qu’en soit son issue, la guerre en Ukraine entérinera une séparation non seulement des États mais aussi des sociétés, qui resteront profondément affectées par cette expérience de violence collective. Celle qui alimentera sans doute de nouvelles passions nationalistes.


[1] Gretchen Schrock-Jacobson, « The Violent Consequences of the Nation : Nationalism and the Initiation of Interstate War », Journal of Conflict Resolution, vol. 56, n° 5, 2012 p. 825-852.

[2] John Breuilly, Nationalism and the State (1982), 2de éd., Manchester, Manchester University Press, 1993.

[3] Andreas Wimmer, Waves of War : Nationalism, State Formation, and Ethnic Exclusion in the Modern World, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

[4] Raymond Aron, « Universalité de l’idée de nation et contestation » (1982), in Giulio De Ligio (dir.), Raymond Aron, penseur de l’Europe et de la nation, Bruxelles, Peter Lang, 2012, p. 125-140.

[5] Eleanor Knott, « Existential Nationalism : Russia’s War against Ukraine », Nations and Nationalism, vol. 29, n° 1, 2023, p. 45-52.

[6] https://theconversation.com/la-russie-une-nation-en-suspens-174141

[7] G. Schrock-Jacobson, op. cit., p. 834.

[8] Jules Sergei Fediunin, « Russian Nationalism », in Graeme Gill (dir.), Routledge Handbook of Russian Politics and Society, 2de éd., 2023, Londres, Routledge, p. 437-448.

[9] https://www.eurozine.com/no-empire-without-end/

[10] https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/pas-dalternative-a-la-victoire-de-lukraine-declare-volodymyr-zelensky-a-la-conference-de-munich-sur-la-securite/

[11] Iver B. Neumann, Uses of the Other. The « East » in European Identity Formation, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999 ; Martin Malia, L’Occident et l’énigme russe : du cavalier de bronze au mausolée de Lénine (1999), Paris, Seuil, 2003 ;

[12] Timothy J. Colton, « Ukraine and Russia : War and Political Regimes », Journal of Democracy, vol. 33, n° 4, 2022, p. 20-36.

[13] Vincent Della Sala, « Europe’s Odyssey ? Political Myth and the European Union », Nations and Nationalism, vol. 22, n° 3, 2016, p. 524-541.

[14] John Hutchinson, Nationalism and War, Oxford, Oxford University Press, 2017.

[15] Marlène Laruelle, « So, Is Russia Fascist Now? Labels and Policy Implications », The Washington Quarterly, vol. 45, n° 2, 2022, p. 149-168.

[16] https://theconversation.com/vladimir-poutine-deborde-par-lextreme-droite-russe-191137

[17] https://www.russiapost.info/politics/conservative_critics

[18] https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/05/russia-putin-colonization-ukraine-chechnya/639428/ ; https://www.hudson.org/events/preparing-dissolution-russian-federation

[19] https://www.pravda.com.ua/news/2023/02/16/7389664/

[20] https://www.foreignaffairs.com/russian-federation/putins-war-and-dangers-russian-disintegration

[21] https://www.europeantimes.news/fr/2022/10/l%27ukraine-a-reconnu-l%27ind%C3%A9pendance-de-la-r%C3%A9publique-tch%C3%A9tch%C3%A8ne-d%27ichk%C3%A9rie/

[22] https://meduza.io/en/feature/2022/11/11/putin-the-anti-colonialist ; https://lerubicon.org/publication/la-politique-de-la-russie-vis-a-vis-des-petits-etats/

[23] Harris Mylonas et Scott Radnitz (dir.), Enemies Within : The Global Politics of Fifth Columns, New York, Oxford University Press, 2022.

[24] Andreas Kappeler, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux. Du Moyen Âge à nos jours (2017), Paris, CNRS Éditions, 2022 ; Anna Colin Lebedev, Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, Paris, Seuil, 2022.

[25] Igor Torbakov, After Empire. Nationalist Imagination and Symbolic Politics in Russia and Eurasia in the Twentieth and Twenty-First Century, Stuttgart, Ibidem-Verlag, 2018, p. 178.

[26] Ibid., p. 188.

[27] Voir à ce sujet Danijela Dolenec, « A Soldier’s State ? Veterans and the Welfare Regime in Croatia », Anali Hrvatskog politološkog društva, vol. 14, n° 1, 2018, p. 55-78 ; Anne Le Huérou et Silvia Serrano (dir.), « Anciens combattants et construction de l’État en ex-URSS », Revue d’études comparatives Est-Ouest, n° 1, 2021, 274 p.

Jules Sergei Fediunin

Politiste, post-doctorant au CESPRA à l'EHESS

Mots-clés

Guerre en Ukraine

Notes

[1] Gretchen Schrock-Jacobson, « The Violent Consequences of the Nation : Nationalism and the Initiation of Interstate War », Journal of Conflict Resolution, vol. 56, n° 5, 2012 p. 825-852.

[2] John Breuilly, Nationalism and the State (1982), 2de éd., Manchester, Manchester University Press, 1993.

[3] Andreas Wimmer, Waves of War : Nationalism, State Formation, and Ethnic Exclusion in the Modern World, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

[4] Raymond Aron, « Universalité de l’idée de nation et contestation » (1982), in Giulio De Ligio (dir.), Raymond Aron, penseur de l’Europe et de la nation, Bruxelles, Peter Lang, 2012, p. 125-140.

[5] Eleanor Knott, « Existential Nationalism : Russia’s War against Ukraine », Nations and Nationalism, vol. 29, n° 1, 2023, p. 45-52.

[6] https://theconversation.com/la-russie-une-nation-en-suspens-174141

[7] G. Schrock-Jacobson, op. cit., p. 834.

[8] Jules Sergei Fediunin, « Russian Nationalism », in Graeme Gill (dir.), Routledge Handbook of Russian Politics and Society, 2de éd., 2023, Londres, Routledge, p. 437-448.

[9] https://www.eurozine.com/no-empire-without-end/

[10] https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/pas-dalternative-a-la-victoire-de-lukraine-declare-volodymyr-zelensky-a-la-conference-de-munich-sur-la-securite/

[11] Iver B. Neumann, Uses of the Other. The « East » in European Identity Formation, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999 ; Martin Malia, L’Occident et l’énigme russe : du cavalier de bronze au mausolée de Lénine (1999), Paris, Seuil, 2003 ;

[12] Timothy J. Colton, « Ukraine and Russia : War and Political Regimes », Journal of Democracy, vol. 33, n° 4, 2022, p. 20-36.

[13] Vincent Della Sala, « Europe’s Odyssey ? Political Myth and the European Union », Nations and Nationalism, vol. 22, n° 3, 2016, p. 524-541.

[14] John Hutchinson, Nationalism and War, Oxford, Oxford University Press, 2017.

[15] Marlène Laruelle, « So, Is Russia Fascist Now? Labels and Policy Implications », The Washington Quarterly, vol. 45, n° 2, 2022, p. 149-168.

[16] https://theconversation.com/vladimir-poutine-deborde-par-lextreme-droite-russe-191137

[17] https://www.russiapost.info/politics/conservative_critics

[18] https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/05/russia-putin-colonization-ukraine-chechnya/639428/ ; https://www.hudson.org/events/preparing-dissolution-russian-federation

[19] https://www.pravda.com.ua/news/2023/02/16/7389664/

[20] https://www.foreignaffairs.com/russian-federation/putins-war-and-dangers-russian-disintegration

[21] https://www.europeantimes.news/fr/2022/10/l%27ukraine-a-reconnu-l%27ind%C3%A9pendance-de-la-r%C3%A9publique-tch%C3%A9tch%C3%A8ne-d%27ichk%C3%A9rie/

[22] https://meduza.io/en/feature/2022/11/11/putin-the-anti-colonialist ; https://lerubicon.org/publication/la-politique-de-la-russie-vis-a-vis-des-petits-etats/

[23] Harris Mylonas et Scott Radnitz (dir.), Enemies Within : The Global Politics of Fifth Columns, New York, Oxford University Press, 2022.

[24] Andreas Kappeler, Russes et Ukrainiens, les frères inégaux. Du Moyen Âge à nos jours (2017), Paris, CNRS Éditions, 2022 ; Anna Colin Lebedev, Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique, Paris, Seuil, 2022.

[25] Igor Torbakov, After Empire. Nationalist Imagination and Symbolic Politics in Russia and Eurasia in the Twentieth and Twenty-First Century, Stuttgart, Ibidem-Verlag, 2018, p. 178.

[26] Ibid., p. 188.

[27] Voir à ce sujet Danijela Dolenec, « A Soldier’s State ? Veterans and the Welfare Regime in Croatia », Anali Hrvatskog politološkog društva, vol. 14, n° 1, 2018, p. 55-78 ; Anne Le Huérou et Silvia Serrano (dir.), « Anciens combattants et construction de l’État en ex-URSS », Revue d’études comparatives Est-Ouest, n° 1, 2021, 274 p.