Politique de la littérature populaire
À une époque où les dérapages (in)contrôlés de Michel Houellebecq font l’embarras des critiques, le discours sur la littérature n’en finit plus de revenir sur ce qui avait été un temps son dogme contre les positions d’un Jean-Paul Sartre : 1) on reconnaît à nouveau que la littérature est un geste politique et 2) on ne peut l’appréhender en évacuant la portée de son discours sur le monde. La responsabilité de l’écrivain est redevenue un enjeu, et les auteurs, les artistes les metteurs en scène et les réalisateurs se découvrent comptables de ce qu’ils disent dans leurs œuvres et même hors de celles-ci.

Que la littérature joue un rôle politique, même marginal, cela ne fait guère de doute. Or, il est un domaine où l’on peut distinguer un tel rôle politique de la littérature, plus important encore que dans les déclarations de tel ou tel écrivain, c’est celui des productions populaires ; simplement, leur rôle est plus souterrain, orientant les représentations sans faire événements.
Quelle empreinte laissent sur une société les livres que tout le monde a lus ? Ont-ils une influence sur les lecteurs ? Jouent-ils un rôle dans l’espace public au-delà de la distraction qu’ils procurent momentanément ? Y a-t-il, pour le dire autrement, une dimension politique des productions populaires, celles-là même qu’on lit d’un œil distrait, parfois de façon un peu ironique ou condescendante, sans en tout cas leur donner vraiment de valeur.
C’est une question que nous nous sommes posée constamment en explorant, pour la rédaction d’un livre, Aux origines de la pop culture, les collections et les archives du Fleuve Noir, le plus gros éditeur populaire des Trente Glorieuses, qui a publié les aventures de San Antonio, d’OSS117 et de Coplan, mais aussi des romans policiers, de la science-fiction et des romans d’angoisse, avec des tirages moyen de plus de 100 000 exemplaires pour certaines collections, et des tirages cumulés de plus de 200 millions d’exemplaires sur une trentaine d’ann