International

L’influence russe en Asie centrale au prisme de la guerre en Ukraine

Politiste

L’invasion de l’Ukraine en 2022 a représenté un véritable électrochoc pour l’ensemble de l’espace postsoviétique, et notamment l’Asie centrale qui avait maintenu des liens étroits avec son ancienne métropole. À l’exception du Turkménistan qui a fait très tôt le choix d’une politique de neutralité, les pays d’Asie centrale ont pris part activement aux diverses organisations régionales dominées par la Russie, leurs économies sont restées très intégrées à la Russie et les régimes politiques ont continué de s’inspirer du modèle vertical russe incarné par Vladimir Poutine.

Face à la rupture d’intelligibilité provoquée par la guerre en Ukraine, les prises de position des dirigeants centrasiatiques ont été scrutées et souvent surinterprétées, tantôt comme une forme de dissidence voire d’émancipation à l’égard de la Russie, tantôt comme un alignement voire une soumission au bon vouloir de Moscou.

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L’objet de cette analyse est de comprendre comment le discours du Kremlin sur la guerre en Ukraine affecte la manière dont les États centrasiatiques perçoivent leur voisin russe et, par là même, conditionne le rôle de la Russie comme garant de la stabilité régionale.

La sécurité régionale : un enjeu de longue date pour la Russie

Il suffit d’observer une carte politique de l’Asie centrale pour comprendre les enjeux sécuritaires de la région : encadrée par les deux géants que sont la Russie au nord et la Chine à l’est, l’Asie centrale est bordée au sud par l’Iran et l’Afghanistan. C’est précisément depuis l’Asie centrale que l’URSS avait lancé la guerre d’Afghanistan en 1979, dans le contexte de la guerre froide, pour soutenir un régime communiste à Kaboul. C’est également par l’Asie centrale que les derniers soldats de l’Armée rouge avaient été évacués d’Afghanistan en 1989, laissant le pays s’enfoncer dans une guerre civile qui aboutira au premier régime islamique des Taliban en 1996. En décembre 1991, la dissolution de l’URSS laisse donc les cinq nouvelles républiques indépendantes centrasiatiques au voisinage d’un État afghan en déliquescence, notamment au contact direct du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et du Turkménistan sur 2 000 kilomètres de frontières.

C’est bien pour renforcer leur coopération militaire dans cet environnement régional instable que la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, mais également l’Arménie, signent à Tachkent le 15 mai 1992 un traité de sécurité collective disposant d’une clause de défense mutuelle. L’article 4 du traité stipule qu’« en cas d’agression sur l’un des État m


[1] En octobre 2020, lors de la seconde guerre du Haut-Karabakh, c’est la demande de l’Arménie qui est rejetée, du fait que le conflit a lieu sur le territoire internationalement reconnu de l’Azerbaïdjan et donc hors du champ d’action de l’OTSC.

[2] Le gouvernement arménien s’associa à ces critiques : en août 2022, alors que l’armée azerbaïdjanaise bombardait des positions à l’intérieur du territoire de l’Arménie, Erevan avait demandé l‘activation de l’article 4 mais, contre toute attente, l’OTSC s’était contentée d’enjoindre aux deux parties de résoudre leur litige par la voie politique.

Olivier Ferrando

Politiste, Maître de conférences à l'Institut des droits de l'homme de Lyon

Mots-clés

Guerre en Ukraine

Notes

[1] En octobre 2020, lors de la seconde guerre du Haut-Karabakh, c’est la demande de l’Arménie qui est rejetée, du fait que le conflit a lieu sur le territoire internationalement reconnu de l’Azerbaïdjan et donc hors du champ d’action de l’OTSC.

[2] Le gouvernement arménien s’associa à ces critiques : en août 2022, alors que l’armée azerbaïdjanaise bombardait des positions à l’intérieur du territoire de l’Arménie, Erevan avait demandé l‘activation de l’article 4 mais, contre toute attente, l’OTSC s’était contentée d’enjoindre aux deux parties de résoudre leur litige par la voie politique.