Politique

Le Conseil constitutionnel gardien de la Constitution conservatrice de la France

Juriste

Est-il nécessaire de fustiger la montée du populisme, l’ère de la post-vérité, quand l’exécutif ne s’astreint pas à l’objectivité et surtout quand le juge constitutionnel, dont l’objet devrait être l’approfondissement du débat démocratique par l’application d’un raisonnement serein, abdique ? Pour le Conseil constitutionnel français, et à la différence de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, la question de la vérité n’est visiblement pas une question constitutionnelle.

Les décisions du Conseil constitutionnel du vendredi 14 avril 2023, sur la constitutionnalité du relèvement de l’âge de la retraite et sur le référendum d’initiative partagé, sont d’excellents révélateurs de la nature de la Constitution française et du juge chargé de la faire vivre.

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Sur la Constitution d’abord, elles en révèlent la pauvreté démocratique et sociale. La Constitution de la Libération, comme beaucoup de constitutions adoptées à cette époque, était une Constitution progressiste, démocratique, sociale, riche en droits fondamentaux, qui contraste donc fortement avec la pauvreté de la Constitution de la Ve République, Constitution véritablement réactionnaire et pourtant impossible à réformer. Si l’on compare cette Constitution avec celle des pays voisins, on se rend vite compte qu’il ne s’agit que d’une chose : mettre l’État et, dans l’État, l’exécutif, au centre.

À l’époque, le Conseil constitutionnel n’est pas envisagé comme un contre-pouvoir dans les mains des individus ; c’est, pour reprendre l’expression attribuée au grand publiciste Charles Eisenmann, un « canon braqué vers le Parlement ». Qu’attendre d’une Constitution dont l’objet même est de museler la pluralité de la société qui ne peut s’exprimer réellement qu’au Parlement ? On ne trouve en outre dans cette Constitution aucun catalogue de droits fondamentaux comme on peut le trouver dans la Loi fondamentale allemande ou les constitutions italienne ou espagnole – ce catalogue ne sera intégré qu’en 1962 par le Conseil constitutionnel dans la décision Liberté d’association, mais, justement, pas de façon démocratique. Un principe cardinal du droit constitutionnel allemand est ainsi le principe démocratique ; en France, ce principe ne joue aucun rôle. Il n’est donc en rien étonnant de lire sous la plume d’un juge constitutionnel les paragraphes suivants :

« 65. En dernier lieu, la circonstance que certains ministres auraient délivré, lors de leurs interventions à l’Assemblée nationale et dan


Thomas Perroud

Juriste, Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas