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Soudan : les sacrifiés

Journaliste

La trêve de 72 heures conclue sous l’égide des États-Unis, notamment pour permettre les évacuations, doit prendre fin ce jeudi soir. Des milliers de Soudanais tentent toujours de fuir les violences par toutes les routes possibles : vers l’Égypte, le Tchad, le Soudan du Sud ou via Port-Soudan sur la mer Rouge. Les Comités de résistance, organisations civiles qui se battent pour une transition vers un pouvoir civil depuis la chute d’Omar al-Bachir en avril 2019, reprochent à l’ONU et les pays occidentaux d’avoir fait confiance aux militaires qui se partageaient le pouvoir.

Les réseaux sociaux servent aussi à prendre la température. Depuis le 15 avril, les messages postés depuis le Soudan, en arabe, en anglais, en français plus rarement, bouillonnent de rage, de tristesse, de peur et de solidarité. Ils décrivent, au fil des heures, les familles sauvées ou perdues, les besoins de plus en plus urgents, de plus en plus basiques, l’exode, les rares bonnes nouvelles. Et les colères.

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Colère, d’abord, contre les deux fauteurs de guerre, le général Mohamed Hamdan Dagalo, dit Hemetti, chef des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et le général Abdelfattah al-Bourhan, commandant en chef de l’armée nationale (FAS). Personne, parmi les Soudanais ou les observateurs les plus avisés, n’a vraiment été étonné du déclenchement des hostilités. Le feu couvait depuis longtemps. L’allumette a été avancée très près, trop près, par Hemetti le 12 avril quand des milliers d’hommes des Forces de soutien rapide ont encerclé l’aéroport de Méroé, ville à 220 km au nord de la capitale soudanaise, et massé des troupes autour de Khartoum. Le chef des paramilitaires craignait un coup de force contre lui, alors que des manœuvres aériennes étaient prévues entre pilotes soudanais et égyptiens. Il est trop tôt pour savoir s’il avait raison ou s’il s’agissait, de la part de ses ennemis dans l’armée, d’une intoxication pour le pousser à la faute.

Mais il l’a fait. Lui qui a presque autant d’hommes que l’armée nationale, près de 100 000, mais qui est dépourvu d’aviation, a joué son va-tout. Et le feu, trois jours plus tard, a embrasé Khartoum et le Darfour. Depuis, les quartiers résidentiels parmi les plus huppés de la capitale soudanaise sont devenus des zones de guerre évacuées par tous ceux qui l’ont pu.

Il ne s’agit pas là d’une guerre civile où se combattraient dans des actions de guérilla des groupes armés plus ou moins organisés. Il s’agit d’une guerre entre deux institutions militaires constituées, dont les soldats sont entraînés et bien équipé


Gwenaëlle Lenoir

Journaliste, Spécialiste du Moyen-Orient et de l'Afrique de l'Est