International

Mexique : les infortunes de la traque contre les grandes figures du narcotrafic

Anthropologue

Reflet de l’organisation du crime et de ses rapports avec l’État, au Mexique les arrestations très médiatisées visent à répondre à l’accusation d’une collusion entre les services étatiques et les personnes impliquées dans le trafic de drogue. Dernier exemple en date avec l’arrestation du fils d’« El Chapo » – une opération parvenue à éclipser la prise de contrôle d’une ville d’un million d’habitant·es par des hommes en armes.

Le 5 janvier dernier, une opération militaire d’ampleur était menée dans le Sinaloa en vue de l’arrestation de Ovidio Guzman, trafiquant de fentanyl et fils de Joaquín Guzman Loera dit « El Chapo ». Avant le lever du jour, un hélicoptère de combat et des colonnes à terre prenaient d’assaut Jesús María, un hameau situé à une demi-heure au Nord-est de Culiacán, capitale de l’État.

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Environ deux heures après ce premier assaut, les forces armées se retiraient du hameau avec leur prisonnier et dirigeaient leur convoi vers la capitale et son aéroport situé au Sud-ouest de la ville. En réaction, de nombreuses camionnettes, remplies d’hommes armés, déferlaient sur la ville à la poursuite du convoi et, à toutes les sorties de l’agglomération, élevaient des barrages (surnommés « narcobloqueos ») en mettant le feu à des véhicules. Après quelques heures d’affrontements dans les rues de Culiacán, puis à l’aéroport, l’armée parvenait à faire décoller sous une pluie de balles un avion avec à son bord Ovidio Guzman.

L’opération est immédiatement proclamée comme un succès par les autorités fédérales. Elle est d’autant plus célébrée que plane sur elle l’ombre de la première tentative d’arrestation du même homme dont l’issue avait été moins heureuse. Le jeudi 19 octobre 2019, l’opération avait eu lieu en pleine journée et au centre la ville, déclenchant une démonstration de force alors inédite de la part des réseaux criminels régionaux, qui en assiégeant la ville, étaient parvenus à empêcher l’armée d’en sortir son détenu. Au bout de plusieurs heures, le président de la République Andrés Manuel López Obrador avait ordonné sa libération et un calme hébété était revenu sur la ville. Cette journée d’automne 2019 a été surnommée le « jueves negro » (le jeudi noir) ou le « Culiacanazo ». Alors ce jeudi 5 janvier 2023, dès les premières heures d’enfermement à Culiacán, la blague ne se fait attendre sur Twitter « pourquoi s’entêtent-ils à essayer d’arrêter Ovidio un jeudi ? » et dès


Adèle Blazquez

Anthropologue, chargée de recherche CNRS au Laboratoire d'Anthropologie Politique à l'EHESS