International

Que change la normalisation saoudo-iranienne sous l’égide de Pékin  ?

Politiste

Mohammed Bin Salman, prince héritier d’Arabie Saoudite, était reçu par Emmanuel Macron vendredi dernier pour un « déjeuner en tête à tête ». C’est que l’Arabie saoudite semble se repositionner au Moyen-Orient : la normalisation de ses relations avec l’Iran s’est faite sous l’égide de la Chine, affichant ainsi sa volonté de prioriser ses intérêts nationaux, quitte à contrarier ceux des États-Unis. Assiste-t-on pour autant à un réel tournant dans la région ?

L’annonce de la normalisation de la relation saoudo-iranienne sous les auspices de la Chine le 10 mars 2023 a eu un écho international retentissant. Elle a été suivie par la désignation des ambassadeurs et la réouverture, le 11 juin, de l’ambassade d’Iran à Riyad. L’ambassade saoudienne à Téhéran, quant à elle, emménagera dans un hôtel luxueux de la capitale iranienne le 17 juin, jour de la visite du ministre saoudien des Affaires étrangères en Iran, en attendant que s’achèvent à la fin 2023 les travaux de la précédente, saccagée le 2 janvier 2016 par des manifestants. Cet évènement avait conduit Riyad à rompre ses relations diplomatiques.

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Alors même que les États-Unis et Israël annonçaient avec assurance l’intégration imminente de l’Arabie saoudite aux Accords Abraham, la décision de rétablir la relation diplomatique saoudo-iranienne par le biais de la Chine a porté un camouflet sérieux, non seulement à l’influence régionale de Washington, mais aussi à Tel Aviv qui échoue à présenter un front israélo-golfien uni face à l’Iran.

Si ce coup diplomatique de Pékin pose la Chine comme un acteur politique influent au Moyen-Orient, il souligne aussi la volonté saoudienne de se présenter comme un acteur régional décidé à prioriser ses intérêts nationaux, quitte à contrarier les intérêts étatsuniens. Assiste-t-on pour autant à un réel tournant dans la région ? Peut-on d’ores et déjà considérer que les principaux acteurs régionaux du Golfe (Arabie saoudite, Iran, Émirats arabes unis [EAU]) ont davantage de cartes en mains pour imposer, en fonction des intérêts de chacun, leur propre agenda régional, indépendamment de la lutte d’influence que s’y livrent les deux puissances globales ?

Les monarchies du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), au premier rang desquelles l’Arabie saoudite et les EAU, sont déçues par le repli stratégique des États-Unis du Moyen-Orient initié sous les mandats Obama (2009-2016), et par l’incapacité de Washington à stabiliser la région en re


Fatiha Dazi-Héni

Politiste, Spécialiste de la péninsule Arabique et des questions régionales et de sécurité dans le Golfe à l’IRSEM