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Espagne : la détransition en 10 leçons

Géographe

Ce dimanche 23 juillet se tiendront en Espagne des élections générales, provoquées par le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez suite au raz-de-marée conservateur qui, le 28 mai, emportait la plupart des villes et régions lors des municipales. Sur 53 capitales provinciales, au moins 33 sont désormais dominées par le Parti populaire, parfois avec l’extrême-droite. Élues en 2015, les « municipalités du changement » ont soldé la crise… et ouvert un nouveau cycle.

25 mai 2015 – 28 mai 2023 : ces dates encadrent les deux mandats de quatre ans au cours desquels s’est déployé un néo-municipalisme à l’espagnole. Des plates-formes citoyennes adossées à des majorités progressistes ont pris les rênes de nombreuses villes en promettant de tout changer[1]. Une partie de ces équipes ont été remerciées dès 2019, le reste des équipes a disparu fin mai dernier.

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Cette débâcle suit de peu la défaite de la gauche municipale grecque de 2019, qui a préparé l’arrivée de la droite aux élections générales de 2023. Même alignement en Italie où les récentes consultations municipales annonçaient l’avènement de Georgia Meloni. L’Espagne donc, comme ailleurs, se droitise. Le paysage politique se clive. Le Parti populaire, conservateur et libéral, gouverne villes et régions avec le parti d’extrême-droite Vox, peut-être même poursuivra-t-il cette alliance au sein du gouvernement central (on le saura aux élections générales avancées au 23 juillet prochain). Le Centre (parti Ciudadanos) s’est vaporisé. La social-démocratie, incarnée par le PSOE, traverse un trou d’air même si Pedro Sanchez, présent aux manettes depuis 2018, matraque son bilan : plusieurs lois sociales et une croissance qui caracole à +5,5 % en 2021 et en 2022.

À la gauche de la gauche, les plateformes citoyennes de 2015 et 2019 ont visibilisé, institutionnalisé, expérimenté des agendas de rupture avancés par des groupes écologiques, communistes, alternatifs, anarchistes, régionalistes, parfois indépendantistes (catalans et basques). Elles ont administré la vie quotidienne de 6 millions d’habitants (si on compte les villes où elles ont gouverné en propre) et même 9 millions (si on compte celles qui ont participé à des majorités intégrant des partis réformistes de gauche dont le PSOE). Faire leur bilan, par ailleurs positif sur des dossiers majeurs (logement social, participation, protection de l’environnement…), est sans doute moins intéressant que comprendre pourquoi elles sont


[1] Un atlas en ligne permet de visualiser les municipalités dont des plate-formes citoyennes gouvernent en majorité absolue de 2015 à 2019 (Madrid, Barcelone, Saragosse, La Corogne…) ou en coalition (Valence, Valladolid, Oviedo…) ou celles qui, dans l’opposition, ont facilité l’investiture d’un maire de gauche (Castellon, Pamplone, Cordoue, Jerez…). On omet les noms de villes plus petites et peu connues, elles sont évidemment très nombreuses.

[2] La strong governance fait son chemin face à la montée des risques climatiques et géopolitiques et l’épaisseur des niveaux institutionnels dans les vieilles démocraties. Les institutions multilatérales comme le FMI diffusent l’idée que les niveaux institutionnels inférieurs sont trop dépensiers et trop dépendants de la pression populaire pour donner leur avis sur des infrastructures qui sont stratégiques pour la stabilité des sociétés.

Nacima Baron

Géographe, Professeure à l'Université Eiffel

Notes

[1] Un atlas en ligne permet de visualiser les municipalités dont des plate-formes citoyennes gouvernent en majorité absolue de 2015 à 2019 (Madrid, Barcelone, Saragosse, La Corogne…) ou en coalition (Valence, Valladolid, Oviedo…) ou celles qui, dans l’opposition, ont facilité l’investiture d’un maire de gauche (Castellon, Pamplone, Cordoue, Jerez…). On omet les noms de villes plus petites et peu connues, elles sont évidemment très nombreuses.

[2] La strong governance fait son chemin face à la montée des risques climatiques et géopolitiques et l’épaisseur des niveaux institutionnels dans les vieilles démocraties. Les institutions multilatérales comme le FMI diffusent l’idée que les niveaux institutionnels inférieurs sont trop dépensiers et trop dépendants de la pression populaire pour donner leur avis sur des infrastructures qui sont stratégiques pour la stabilité des sociétés.