Rediffusion

Dématérialisation et inégalités d’accès aux droits sociaux

Politiste

Devant de plus en plus être réalisées en ligne, les démarches administratives font reposer sur les administrés certaines compétences autrefois détenues par les travailleurs et travailleuses sociales. La dématérialisation des services publics crée donc de nouvelles formes d’inégalités d’accès au soin, du fait de « l’illectronisme » d’une partie de la population, mais également de dynamiques plus complexes de rapport à l’administration. Rediffusion d’un article du 20 mars 2023

La réalisation de démarches administratives en ligne s’est progressivement imposée comme la norme d’interaction avec les différents services de l’État, les organismes de sécurité sociale (CAF, CPAM, CARSAT, etc.), Pôle emploi ou les collectivités territoriales.

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La dématérialisation des procédures s’inscrit dans une logique de modernisation de l’État, d’amélioration de la qualité de service, d’efficacité et de réduction des coûts, propre aux registres de légitimation du nouveau management public. Ces mutations s’ancrent aussi dans un discours politique de proximité, d’accessibilité « 24h/24 et 7j/7 » et de simplification des démarches présentée comme un moyen de lutter contre le non-recours aux droits sociaux comme l’a mis en évidence la thèse de Clara Deville.

Dématérialisation des démarches, reconfiguration des accueils

Cette plateformisation de l’État et des services publics s’est traduite, dans les Caf par exemple, par une reconfiguration des accueils, une réduction de leur nombre et un réajustement de leurs missions dans une logique de concentration des moyens sur la « gestion du stock » (traitement des dossiers) au détriment de la « gestion des flux » (accueil des publics). D’une part, les guichets sont désormais tournés vers l’accompagnement à la réalisation de démarches en ligne par des agents formés à cet effet, mais ne maîtrisant pas la gestion technique des prestations sociales et le traitement les dossiers. De l’autre, il est possible d’être reçu sur rendez-vous, à prendre sur internet ou par téléphone, ce qui suppose un accès à ce matériel et des compétences propres.

Dans certaines Caf, la prise de rendez-vous est conditionnée à des motifs spécifiques donnant droit (ou pas) à un créneau, leur nombre et leurs temporalités peuvent être limités (voire indisponible pendant plusieurs jours), ou proposés dans des lieux d’accueil éloignés géographiquement et peu accessibles aux publics précarisés. Ces réaménagements conditionnent l’accès à la relation


Nadia Okbani

Politiste, Maître de conférences en Science politique