Écologie

Ce que les tiques disent des pratiques sociales de la nature

Sociologue, Sociologue

En août, la presse évoquait une augmentation des maladies à tiques en Europe, et en France en particulier, faisant expressément le lien avec le « réchauffement climatique ». Au-delà du regard médical, on peut ainsi se demander ce que l’acarien et sa diffusion donnent à saisir de nos rapports à la nature et de l’action publique en la matière.

La question des tiques et maladies à tiques (ré)apparaît chaque été dans les médias français, à travers des appels à la prévention destinés aux touristes et plus largement aux usagers des espaces de nature. Par exemple, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a lancé début juin 2023 le nouveau site CiTIQUE-TRACKER de son programme de déclaration individuelle de piqûre, avec un mode d’emploi grand public et pour but de donner à voir le « risque de proximité ». Un an plus tôt, en juin 2022, une « carte météo des tiques en France métropolitaine » était dévoilée par le même organisme.

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Ces outils de visualisation sont largement relayés ; on peut citer entre autres, à la suite de la publication INRAE du 5 juin 2023 : le Midi libre, France info, où on lit expressément « Un nouveau site d’information […] permet de voir que nous sommes en pleine saison des piqûres de tiques », TF1 Info, ou 20 Minutes, ainsi que des relais régionaux, par exemple dans le réseau France Bleu, qui alerte le 15 juin en Moselle « en plein pic ».

Le sujet est le plus souvent abordé en termes médicaux : l’encéphalite à tiques ou la borréliose de Lyme, qui peuvent être transmises à l’humain, avec de possibles conséquences neurologiques, cardiologiques ou articulaires. L’association France Lyme, fondée en 2008, exhorte à la reconnaissance par les pouvoirs publics d’une forme « chronique » de la maladie de Lyme – contestée parmi le corps médical –, et la Haute autorité de santé (HAS) a publié en mars 2022 un guide de parcours de soin structuré, qui fait écho à cette problématique de la prise en charge[1].

La question des tiques mérite d’autant plus d’attention d’un point de vue sociologiquement « incarné ». Pour cela, l’Argonne, à la jonction de la Marne, de la Meuse et des Ardennes, constitue un terrain rural exemplaire : peu anthropisé et comprenant 37 % de forêts, il y a là autant d’occasions de rencontres humain-tique dans les usages d


[1] Sur les débats autour du « Lyme chronique », on peut aussi lire aux États-Unis : Abigail A. Dumes, Divided Bodies: Lyme Disease, Contested Illness and Evidence-Based Medicine, Durham, NC, Duke University Press, 2020.

[2] Nous le développons dans notre récent ouvrage : Philippe Hamman, Aude Dziebowski, Des tiques et des hommes : chronique d’une nature habitable. Entre territorialisation, sanitarisation et responsabilisation, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. En Anthropocène, 2023.

[3] Par exemple : Richard S. Ostfeld, Jesse L. Brunner, « Climate Change and Ixodes Tick-Borne Diseases of Humans », Philosophie Transactions of the Royal Society Biological Sciences, 370 (1 665), 2015, p. 1-11.

[4] Voir également notre vidéo YouTube en 10 questions.

Aude Dziebowski

Sociologue, Doctorante en sociologie des mondes ruraux au CNRS

Philippe Hamman

Sociologue, Professeur de sociologie à l’Institut d’urbanisme et d’aménagement régional de l’Université de Strasbourg

Rayonnages

SociétéSanté

Notes

[1] Sur les débats autour du « Lyme chronique », on peut aussi lire aux États-Unis : Abigail A. Dumes, Divided Bodies: Lyme Disease, Contested Illness and Evidence-Based Medicine, Durham, NC, Duke University Press, 2020.

[2] Nous le développons dans notre récent ouvrage : Philippe Hamman, Aude Dziebowski, Des tiques et des hommes : chronique d’une nature habitable. Entre territorialisation, sanitarisation et responsabilisation, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. En Anthropocène, 2023.

[3] Par exemple : Richard S. Ostfeld, Jesse L. Brunner, « Climate Change and Ixodes Tick-Borne Diseases of Humans », Philosophie Transactions of the Royal Society Biological Sciences, 370 (1 665), 2015, p. 1-11.

[4] Voir également notre vidéo YouTube en 10 questions.