Sur le caractère « inévitable » du coup d’État chilien de 1973
Les controverses qui ont entouré les commémorations du 50e anniversaire du coup d’État au Chili ont suscité des passions et des animosités que l’on croyait révolues.

Ces controverses ont souvent été marquées par l’infamie et des truismes, dans le cadre d’une offensive révisionniste de grande ampleur[1] visant à resignifier le coup d’État, et à redéfinir le gouvernement de l’Unité Populaire, le rôle joué par le président Salvador Allende, le caractère providentiel de l’intervention des forces armées et du général Pinochet (une entreprise charismatique qui a effectivement eu lieu pendant la première année de la dictature, sans succès) et la nature « révolutionnaire » de la dictature militaire qui s’ensuivit[2].
On voudra pour preuve d’un de ces nombreux truismes l’affirmation du président du parti de droite Unión Demócrata Independiente (UDI) Javier Macaya (« sans Allende il n’y a pas de Pinochet »), ou de cette prise de position par la secrétaire générale de ce même parti, María José Hoffman, pour qui les causes du coup d’État produisent des effets (une belle banalité…, pourtant lourde de conséquences), en affirmant que « les atrocités (barbaridades) d’Allende sont comparables aux atrocités (barbaridades) du gouvernement de Pinochet ». Ici les mots importent, et les traductions aussi : outre le caractère absurde de la comparaison, le mot « barbaridad » n’a pas la même connotation qu’en français, son sens est bien plus faible en espagnol et l’effet de banalisation est bien plus fort lorsque le même mot est répété deux fois dans la même phrase.
Face à ces « atrocités », que faire ? Du côté des intellectuels, surtout de la part de ceux qui observent de loin ces commémorations, ce n’est pas très utile de publier un papier romantique et nullement analytique sur Allende et l’Unité Populaire[3], ni non plus d’éterniser dans un article l’égotisme de son auteur (Régis Debray), dans lequel il parle davantage de lui-même que de Salvador Allende à partir d’un entretie