International

Du bon usage du terme « colonie » en Israël-Palestine

Historien et sociologue

Comment le débat public en est-il arrivé à faire du terme « colon » et de ses dérivés un enjeu politico-médiatique ? Retracer l’histoire du terme est nécessaire pour parvenir à en faire un outil de savoir et un usage prudent.

Tragiquement revenu au fronton des médias internationaux, le conflit israélo-palestinien suscite une polarisation plus intense que jamais. En France, le débat public porte beaucoup sur l’emploi du mot « terrorisme ». Moins visible, mais non moins sensible, est l’usage du mot de « colon » et de ses dérivés (dans la suite : « colon* ») : à brandir pour les uns, à bannir pour les autres.

publicité

Ce mot est apparu moins dans les reportages que dans les manifestes, les prises de positions, les pétitions, les manifestations, et cela dès l’attaque du Hamas en territoire israélien, le 7 octobre 2023.

Petit florilège. Communiqué du Nouveau Parti Anticapitaliste, au jour de l’attaque : « Depuis ce matin, une vaste offensive a été lancée depuis Gaza par le Hamas en territoire « israélien » [NDA – guillemets dans l’original]. […] En plus des roquettes tirées sur plusieurs postes militaires, certaines colonies autour de Gaza ont été acquises aux résistantEs ». Le lendemain, sur le site the Electronic Intifada, Joseph Massad, professeur de « Middle Eastern Studies » à l’université de Columbia : « Non moins surprenante fut la prise par la résistance palestinienne de plusieurs colonies de peuplement près de Gaza » ; son article emploie vingt-et-une fois « colon* ». Le même jour, pétition d’étudiants propalestiniens de Harvard : « Les jours à venir exigeront de prendre une position ferme contre les représailles coloniales ». Le 10 octobre, appel à manifester dans un tract de la CGT à Lille, en « soutien au peuple palestinien en lutte contre l’État colonial d’Israël ». Enfin, au jour de l’attaque (on sait tout de suite que des massacres de civils ont eu lieu), Najma Sharif, selon son site « auteure américaine-somalienne basée dans le monde numérique », qui écrit sur « la féminité noire », dans des magazines comme Teen Vogue et Instyle, tweete: « Hé qu’est-ce que vous croyiez que ça voulait dire la colonisation ? Un vibe ? Des articles ? Des essais ? Bande de losers », suivi de « Pa


Jérôme Bourdon

Historien et sociologue, professeur au département de communications de l’Université de Tel Aviv