Élections argentines : 2023, année dystopique ?
Le 22 octobre dernier, le premier tour des élections présidentielles argentines a confirmé la percée de Javier Milei.

Crédité d’un score d’environ 30%, celui-ci a su attirer l’attention des médias internationaux par sa personnalité brutale et son programme non moins brutal, alliant ultra-libéralisme économique et ultra-conservatisme moral. Milei affrontera, lors du second tour du 19 novembre, l’actuel ministre de l’Économie, Sergio Massa, à la tête d’une coalition réunissant le centre-gauche péroniste, dont le score plus élevé que prévu (avoisinant les 37%), a soulagé ses partisans au soir du premier tour – sans nullement garantir son succès au second. Quant à la candidate de la droite classique, Patricia Bullrich, favorite des sondages pendant de longs mois, elle s’est retrouvée disqualifiée dès le premier tour, avec un score inférieur à 24% des suffrages exprimés. L’irruption du candidat Milei a suscité un intérêt peu fréquent pour les élections argentines à l’extérieur des frontières du pays. L’apparition de ce nouvel acteur politique introduit (autant qu’elle répond à) une crise des repères politiques argentins.
Une crise du rapport au réel ?
Pour les citoyens argentins, les raisons de désespérer du réel ne manquent pas. Si le pays est habitué à l’instabilité économique, sa situation actuelle est particulièrement alarmante : la lourde dette contractée auprès du Fonds Monétaire International en 2018[1] ne s’est jamais accompagné d’un redémarrage significatif de la croissance, le taux de pauvreté (aujourd’hui évalué autour de 40%, dont 56% chez les mineurs) est en augmentation constante depuis 2017, tandis que l’inflation, qui avoisine les 140%, s’accélère mois après mois dans une escalade anxiogène. Cette débâcle économique est gérée par une classe politique décrédibilisée, affectée par des scandales de corruption à répétition dans un contexte de polarisation affective exacerbée[2], opposant les « kirchnéristes » (plutôt de gauche, selon la grille de le