Société

Au-delà de l’écran de fumée de la « reconnaissance faciale »

Sociologue

Même si elle n’inclut pas le traitement de données faciales, la récente « loi JO » donne la possibilité à certaines entreprises développant des systèmes de vidéosurveillance algorithmique de tester leurs systèmes sur les flux de vidéosurveillance des caméras déjà déployées. On ne peut s’empêcher de voir derrière ces technologies à un premier pas vers l’automatisation de la surveillance et le contrôle des personnes exilées au cours de leur parcours migratoire, répondant à une volonté politique globale appuyée par une industrie en pleine expansion.

La reconnaissance faciale évoque très rapidement un imaginaire de surveillance souvent aussi fourni qu’imprécis. Les représentations de ce type de technologies dans la culture pop se mêlent à d’autres exemples réels ou fantasmés de systèmes aujourd’hui déjà déployés ou au contraire formellement interdits dans nos espaces publics.

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Il peut sembler que beaucoup a déjà été dit sur le sujet – sur ses implications socio-philosophiques à la 1984 jusqu’à ses considérations les plus actuelles, telles que l’utilisation de tel ou tel système par des forces de police ou autre institution étatique. Ce qui relie la plupart de ces perspectives, c’est leur point départ : les technologies de reconnaissance faciale, ou même simplement la reconnaissance faciale comme fait technologique et outil monolithe.

Or, non seulement cette désignation simpliste tend à effacer les particularités des différents systèmes qu’elle sert à nommer, elle contribue par ailleurs à placer le débat en aval de la création de ces technologies. Ces dernières sont rarement expliquées, ni leur développement et production contextualisés. Pour exister, ces technologies induisent par exemple des systèmes de surveillance et de collecte de données biométriques souvent ignorées mais qui mériteraient une attention toute particulière. Mieux comprendre les tenants et aboutissants du développement de ces technologies permet ainsi de mieux comprendre le rôle qu’elles peuvent jouer au sein d’une vision politique plus large, et apporte de nouvelles clés de lecture sur leurs utilisations.

Une appellation contrôlée

La terminologie en elle-même est trompeuse, puisque sous l’appellation « reconnaissance faciale » se cache une pluralité de technologies, chacune soulevant ses propres problématiques. Les deux applications les plus communes sont cependant les technologies de « vérification », qui compare une photo donnée à une nouvelle image de personne (comme les nouveaux portiques de douanes comparant la photo du passepor


Assia Wirth

Sociologue, Doctorante en sociologie à l'ENS Paris-Saclay