Cinquante nuances de rapports à l’incertitude : la prévision météo et ses usagers
La multiplication des événements météos extrêmes due au dérèglement climatique recompose notre relation au temps qu’il fait et qu’il fera demain : elle accroît la vulnérabilité des personnes et des biens du fait de l’augmentation de situations à risque ; l’incertitude de la prévision du temps, en partie incompressible, rend ces situations d’autant plus critiques.

Les progrès technoscientifiques augmentent continuellement la qualité des prévisions du fait de l’amélioration des modélisations de l’atmosphère, de données d’observation plus riches issues notamment des satellites, et de l’augmentation de la puissance de calcul. Malgré cela, les prévisions météorologiques demeurent structurellement incertaines et des erreurs de prévision subsistent. En cause, la nature chaotique de l’évolution de l’atmosphère, la connaissance imparfaite de son état initial, et l’imperfection des modèles.
Dans ce contexte, la perspective de l’impact based forecasting est devenue dominante au sein des services météorologiques nationaux. Autrement dit, il ne s’agit plus seulement de produire une prévision météorologique (du type « il pleuvra entre telle et telle quantité d’eau demain sur telle partie du globe »), mais d’intégrer les impacts probables de l’événement météo-climatique à la prévision (« telles habitations seront touchées s’il pleut telle quantité à tel endroit demain »). En suggérant que la prévision doit servir avant tout à l’anticipation des interventions et des conséquences qu’impliquent les phénomènes météo à risque, cette approche consistant à croiser aléas météo et enjeux redessine depuis une dizaine d’années les missions des services météo nationaux.
En ce qui concerne Météo-France, cette évolution s’est traduite par plusieurs réformes organisationnelles dans un contexte de restriction budgétaire[1] et de néo-managérialisation de l’État[2]. Ces réformes réorientent sur le papier les missions des prévisionnistes vers de la prévision adressée, c’est-à-dire la déliv