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Le monde a oublié le camp de la paix israélien et palestinien

Historienne

De nombreux mouvements, groupes, réseaux, instituts de recherche en faveur de la paix cherchent depuis longtemps à mettre un terme au conflit israélo-palestinien et conduire vers une réconciliation. Une meilleure compréhension de ce large éventail d’initiatives permet un autre récit des complexités actuelles en Israël et en Palestine, et montre qu’il existe de véritables partenaires pour la paix de part et d’autre de la Ligne verte.

« Il n’y a pas de chemin pour la paix – la paix est le chemin. »
Vivian Silver, militante pacifiste israélienne assassinée par des terroristes du Hamas à son domicile du kibboutz Be’eri le 7 octobre.

La guerre entre Israël et le Hamas, conséquence de l’horrible massacre et des enlèvements du 7 octobre en Israël, puis des bombardements et de la mort de civils à Gaza qui ont suivi, fait l’objet de nombreux récits dans les médias du monde entier.

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Malheureusement, le paradigme « nous et eux » prospère dans les médias étrangers, où le discours des analystes politiques et militaires est prédominant. Dans ce contexte, le camp de la paix et la société civile israéliens et palestiniens sont confrontés à divers défis, les militants de la paix n’étant souvent pas entendus voire réduits au silence au sein de leur propre société comme de la communauté internationale et des médias.

Cet article vise à donner un aperçu des diverses initiatives de paix et de réconciliation en Israël et en Palestine et à examiner les défis auxquels sont confrontés les militants de la paix en temps de guerre. Nous partons du principe qu’une meilleure compréhension du camp de la paix israélo-palestinien peut ouvrir la voie à la reconnaissance et au soutien de ces organisations et initiatives, en exposant un autre aspect et un autre récit des complexités actuelles en Israël et en Palestine.

Si les initiatives de paix ont toujours fait partie du paysage sociopolitique, leur forme, leur intensité, leur importance dans le débat public et leur impact ont beaucoup varié au fil des ans. Divers mouvements, réseaux, groupes et alliances ont vu le jour pour entretenir les relations israélo-palestiniennes, dans le but de mettre un terme au conflit et de faire cesser l’hostilité, la violence et les injustices qu’il entraîne.

Ce large éventail d’initiatives est désigné par l’appellation sommaire de « camp de la paix israélo-palestinien ». Alors même que celui-ci est constitué de partenariats israélo-palestiniens, il est plus juste de considérer les camps de la paix israélien et palestinien comme deux entités distinctes ayant leurs propres stratégies et leurs propres défis. Il existe une asymétrie considérable entre les sociétés civiles palestinienne et israélienne. En outre, la société civile palestinienne est « sans État », dotée d’une structure étatique incomplètement formée et d’institutions différentes de celles d’Israël.

Le camp de la paix israélien

Le camp de la paix israélien est un groupe peu structuré qui peut être divisé en trois sous-groupes. Le premier comprend les organisations engagées dans la construction « top-down » de la paix, et qui tentent de trouver une solution politique au conflit israélo-palestinien ou de suggérer des politiques pour parvenir à une résolution durable.

La Geneva Initiative a ainsi mené un important effort de réflexion avec les Palestiniens, qui a abouti à un plan de paix global. L’Initiative de Genève comprend deux organisations : l’Initiative israélienne de Genève et l’Initiative palestinienne de Genève, également connue sous le nom de Palestinian Peace Coalition. Le Council for Peace and Security et les Commanders for Israel’s Security, deux organisations israéliennes composées d’anciens officiers de l’armée, du Shin Bet et de membres de la police, représentent également cette première tendance. La Paix Maintenant est un exemple intéressant parce qu’elle s’inscrit dans cette tendance, quoique pas entièrement. L’un des objectifs de La Paix Maintenant est de mobiliser les masses et de trouver des solutions politiques au conflit, grâce à des interventions concrètes (par exemple l’Observatoire des colonies) et des rapports. A Land for All, dans ce même sous-groupe, est une organisation israélo-palestinienne plus progressiste, qui appelle à une révision de la traditionnelle solution à deux États et propose une confédération basée sur le modèle de l’Union européenne.

Certains instituts de recherche et groupes de réflexion peuvent aussi être considérés comme faisant partie de cet ensemble, tels que Molad, Mitvim, aChord, Van Leer, The Forum for Regional Thinking, qui produit des rapports, des analyses politiques et des recommandations à l’intention des responsables israéliens et d’un large public. D’autres initiatives de ce type voient le jour en ce moment, compte tenu de la nécessité de définir une vision politique de la situation sur le terrain, comme The Day After the War Forum, composé de chercheurs et d’universitaires qui publient des analyses et des recommandations politiques.

Le deuxième sous-ensemble comprend ceux qui participent à la réconciliation selon un mouvement « bottom-up » et s’engagent dans un dialogue avec les Palestiniens qui partagent la théorie du changement interpersonnel, apprennent de leurs récits mutuels et promeuvent des actions conjointes. Les deux principales organisations représentant cette tendance sont The Parents Circle-Families Forum et Combatants for Peace, toutes deux composées d’Israéliens et de Palestiniens.

Le Parents Circle-Families Forum rassemble des personnes qui ont perdu un parent au premier degré (un enfant, un parent) dans le conflit israélo-palestinien. Ils se réunissent pour montrer aux deux publics que la réconciliation est possible, pour faire pression sur le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne afin qu’ils s’engagent dans des négociations qui garantissent les droits fondamentaux, la création de deux États pour deux peuples et la signature d’un traité de paix.

Combatants for Peace a été fondée conjointement en 2006 par d’anciens soldats des forces de défense israéliennes et des Palestiniens qui étaient auparavant engagés dans la lutte violente pour la libération de la Palestine. Cette organisation, qui pratique la protestation non violente, cherche à éduquer à la réconciliation et à la lutte non violente et à exercer une pression politique sur les deux gouvernements pour qu’ils mettent un terme au cycle de la violence et à l’occupation, et qu’ils reprennent un dialogue constructif. Parmi les autres organisations de ce type, citons Women Wage Peace, Darkenu, Ir Amim et Standing Together.

Les organisations qui œuvrent en faveur d’une société égalitaire en Israël, où 20 % des citoyens sont des Palestiniens, relèvent également de ce même sous-groupe. Citons Abraham Initiatives, Have You Seen the Horizon Lately, Sikkuy-Aufoq, Yad-Le-Yad, parmi bien d’autres encore. Ces organisations plaident actuellement en faveur d’une désescalade en Israël, notamment en raison de la persécution politique à laquelle sont confrontés les citoyens palestiniens.

Des études indiquent que le sentiment d’appartenance à Israël de la part des citoyens palestiniens d’Israël a atteint des sommets sans précédent. Les leaders de la société arabe en Israël condamnent fermement les massacres perpétrés par le Hamas, soulignant que de tels actes ne reflètent pas les opinions de la société palestinienne ou de l’islam. Toutefois, le fait d’exprimer sa sympathie pour les souffrances endurées par les habitants de Gaza, dont certains sont des membres de la famille de Palestiniens qui sont citoyens israéliens, est souvent interprété à tort comme un soutien au Hamas. Depuis le 7 octobre, des citoyens palestiniens d’Israël ont fait l’objet de licenciements ou de suspensions injustifiés, parfois sans investigation appropriée.

Le troisième sous-ensemble est animé par des ONG de défense des droits de l’homme dont l’activisme est porteur d’un message de paix implicite. Il rassemble divers professionnels (avocats, médecins, rabbins) qui aident les Palestiniens dont les droits fondamentaux sont violés. B’tselem, Yesh Din, Zulat, Breaking the Silence, Rabbis for Human Rights, Looking the Occupation in the Eyes, Gisha, etc., en constituent quelques exemples. Ces organisations sont rejointes par des militants de la gauche radicale qui manifestent en Israël en faveur d’un cessez-le-feu, d’un échange de prisonniers et de la fin de l’occupation israélienne.

Certains survivants du massacre du 7 octobre ou des personnes dont des proches ont été assassinés ou kidnappés se joignent à ces appels. Alors même qu’elle est bien établie, cette tendance est la moins acceptée en Israël ; elle aborde des questions sensibles et est accusée de ternir l’image du pays, ce que même les Israéliens les plus modérés ne tolèrent pas. Les ONG de ce courant ont été fortement délégitimées par la droite, qui leur a ainsi fait une publicité (négative) considérable.

Il est essentiel de replacer les défis actuels du camp de la paix israélien dans le cadre plus large des problématiques auxquels il est confronté depuis des années. Depuis l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin en novembre 1995, cinq semaines seulement après la signature de l’accord intérimaire avec l’OLP connu sous le nom d’accords d’Oslo II, la capacité de la société israélienne à gérer les désaccords politiques concernant le conflit de manière non violente, à la fois physiquement et verbalement, a de toute évidence décliné.

Ce déclin s’explique par de nombreuses raisons liées au désespoir, à la peur et à la haine, conséquences connues des conflits prolongés et violents. Ajoutons que la radicalisation au sein des sociétés israélienne et palestinienne constitue un défi partagé avec les pays occidentaux, et révèle d’inquiétantes tendances mondiales que cet article n’a pas l’espace d’approfondir.

Au cours des deux dernières décennies, la délégitimation des promoteurs de la paix dans la société israélienne a pu s’apparenter à une diabolisation. Ce processus, mené par les politiciens de droite au pouvoir et la société civile de droite en Israël, s’est produit par le biais de campagnes médiatiques agressives, d’attaques et dénonciations en ligne, de lois menaçant la légitimité et le financement des organisations et des activistes pacifistes et anti-occupation.

Les séquences de violence entre Israéliens et Palestiniens intensifient l’animosité d’une partie du public israélien à l’égard des organisations de défense de la paix et des droits de l’homme, qui les considère comme une menace pour le pays en ces temps difficiles. Ce fut le cas avec la « campagne des taupes » après l’opération israélienne de 2014, « Bordure protectrice », à Gaza, visant à fédérer les soutiens au projet de loi sur les « agents étrangers », lequel avait pour objectif d’interdire aux ministères et à Tsahal de coopérer avec des fonds étrangers.

Les ONG recevant de tels fonds ont été qualifiées de « taupes » et menacées de dissolution, et les militants pacifistes de traîtres et de terroristes. Des tentatives d’adoption de projets de loi similaires constituent une menace permanente pour le camp de la paix israélien. Les médias mainstream ont longtemps négligé la gestion du conflit israélo-palestinien, partant du principe qu’il est intrinsèquement insoluble. De nombreux journalistes se concentrent uniquement sur les événements en Cisjordanie et à Gaza, utilisant une terminologie militaire qui empêche l’Israélien moyen d’éprouver de l’empathie pour les Palestiniens. Paradoxalement, le public israélien est moins exposé aux souffrances de Gaza que les pays européens, étant donné la mobilisation des médias en temps de guerre.

Ces exemples sont essentiels pour comprendre l’état d’esprit d’une grande partie de la société israélienne à l’égard du camp de la paix qui, dans le meilleur des cas, est perçu comme naïf et hors de propos et, dans le pire des cas, comme un traître. Lors des grandes manifestations organisées en Israël l’année dernière contre la réforme judiciaire présentée par le gouvernement le plus à droite de l’histoire de l’État d’Israël, la société civile s’est épanouie et est devenue un exemple de protestation pour le monde entier. Pourtant, les voix qui, au sein de la protestation démocratique, cherchaient à souligner le lien entre la crise de la démocratie et la poursuite de l’occupation du peuple palestinien ont été réduites au silence et ont même fait l’objet de violences verbales et physiques.

Mais il est remarquable que, malgré les menaces et les violences subies par les organisations et les individus qui s’efforcent de favoriser un discours public en Israël sur la fin du conflit et de l’occupation, des centaines d’organisations israéliennes persévèrent et travaillent à faire entendre une voix en faveur du partage des terres, l’octroi de droits aux Palestiniens et la défense de l’égalité entre tous les citoyens d’Israël.

Le seul exemple de la « campagne des taupes » en 2015 nous apprend que les cycles de violence entre Israël et Gaza constituent un terrain fertile pour la délégitimation des promoteurs de la paix en Israël. En temps de guerre, le patriotisme est monopolisé par le narratif du type « en ce moment, il n’y a ni droite, ni gauche, nous gagnerons ensemble ». La brutalité des actes commis par le Hamas le 7 octobre complique les efforts déployés pour résister à la punition collective des Palestiniens de Gaza. Et les résultats des sondages indiquant un soutien croissant au Hamas en Cisjordanie intensifient l’hostilité israélienne à l’égard de tous les Palestiniens. Par conséquent, le camp de la paix israélien compte sur les ex-membres des forces de sécurité, qui font souvent office d’experts, pour promouvoir une solution politique selon une perspective sécuritaire, les arguments moraux bénéficiant d’une adhésion limitée dans le contexte d’une guerre perçue comme existentielle.

Le camp de la paix palestinien

Avant de se pencher sur du camp de la paix palestinien, il est d’abord essentiel de noter que les Palestiniens et les Israéliens vivent le conflit de manière différente, ce qui conditionne par conséquent leur définition de la « paix ». Les experts et les praticiens de la paix et de la résolution des conflits font souvent la distinction entre la paix « négative » (l’absence de guerre ou de violence armée) et la paix « positive » (l’existence de la liberté, de l’équité, de la satisfaction des besoins fondamentaux)[1].

Les Israéliens ont tendance à insister sur la nécessité d’une « paix avec sécurité » (paix négative), tandis que les militants palestiniens appellent à une « paix avec justice » (paix positive), dans la mesure où ils vivent le conflit en termes de besoin d’autodétermination (liberté) et de difficultés socio-économiques et politiques liées au fait de vivre sous l’occupation militaire israélienne. En raison des conditions sociopolitiques très différentes dans lesquelles vivent les Israéliens et les Palestiniens et des points de vue divergents sur la lutte palestinienne pour l’autodétermination, les Palestiniens et les Israéliens ont eu tendance à définir différemment les efforts de paix et de résolution des conflits.

La société civile palestinienne engagée dans l’activisme visant à mettre fin à l’occupation israélienne comprend une variété d’acteurs tels que des dizaines d’organisations de défense des droits de l’homme, des organisations de jeunesse, des organisations locales, des associations caritatives, des groupes de femmes, des associations religieuses et tribales, des institutions éducatives et des ONG professionnelles.

Cependant, pour le camp de la paix palestinien, les accords d’Oslo ont été un tournant vers une aggravation de la situation. Pour de nombreux Palestiniens, ces accords n’étaient pas une victoire pour la paix, mais plutôt une légitimation de l’occupation israélienne. Nombre d’entre eux ayant assimilé le processus de « paix » d’Oslo à une détérioration sociale, économique et politique, le mot « paix » en a alors été compromis. De fait, cela a conduit à éviter d’utiliser ce mot concernant les organisations et activités palestiniennes, quand il le serait dans d’autres contextes.

Le processus de paix d’Oslo, qui a permis la création de l’Autorité nationale palestinienne et le début de la construction de l’État avec l’aide de pays donateurs, a ouvert un espace favorable au développement des ONG et des institutions civiques dans les territoires occupés et en Israël. Toutefois, la création de cet espace s’est également accompagnée d’un éloignement de ces organisations vis-à-vis de la société et de leur base.

Plutôt que de parler de « paix », certains Palestiniens mettent ainsi l’accent sur les aspects de leur histoire liés à la résistance non violente contre l’occupation israélienne et au rejet des armes dans leur quête de liberté. Cette résistance se manifeste sous diverses formes, comme essayer de construire une économie durable face à l’occupation militaire, de conserver sa dignité malgré les humiliations aux points de contrôle.

Dans le contexte palestinien, le travail en faveur de la paix et de la résolution des conflits implique des efforts non violents qui comprennent principalement des actions de sensibilisation, la défense des droits de l’homme, le dialogue et la familiariation avec les préoccupations des Palestiniens en matière de justice. Dans ce cadre, les Palestiniens recherchent la paix en cherchant la justice ; la paix selon eux passe par la fin de l’occupation israélienne. Pour beaucoup d’entre eux, cela signifie qu’ils évitent de coopérer avec les Israéliens qui ne s’expriment pas ouvertement contre l’occupation, car ils considèrent que de telles relations – entre l’occupant et l’occupé – sont intrinsèquement inégales et contraires à la construction de la paix.

Il s’agit là d’une tendance majeure de la société civile palestinienne également connue sous le nom d’anti-normalisation. Ici, la « normalisation » (Tatbi’a, en arabe) a été définie comme « le processus d’établissement de relations ouvertes et réciproques avec Israël dans tous les domaines, y compris les domaines politique, économique, social, culturel, éducatif, juridique et sécuritaire ». Cependant, tous les Palestiniens n’ont pas la même position à l’égard de la normalisation, voire dans leur volonté d’utiliser ce mot. Cette stratégie, répandue dans différents secteurs de la société palestinienne, complique les appels publics à des solutions politiques, même pour ceux qui soutiennent la solution à deux États.

L’impopularité de l’Autorité palestinienne corrompue, et dirigée par Abou Mazen, associée à la poursuite de l’occupation israélienne et au désespoir généralisé des jeunes Palestiniens, contribue à renforcer le soutien à la lutte armée. Malgré ces difficultés, certaines organisations palestiniennes mènent des activités que l’on peut qualifier d’activisme en faveur de la paix.

Zimam, par exemple, est un mouvement de jeunesse pionnier qui remet en question le statu quo. Adoptant une approche nationale de la résolution des conflits, celui-ci travaille avec de jeunes leaders prometteurs pour construire une société davantage démocratique, active et pluraliste. Ses programmes responsabilisent les jeunes, visent une transformation de l’opinion publique en favorisant la compréhension mutuelle et les attitudes démocratiques. Youth Against Settlements est un autre exemple de mouvement populaire palestinien visant à mettre fin à l’occupation par des méthodes non violentes. Ils s’engagent dans un travail communautaire contre l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie.

L’association ADWAR encourage le dialogue, principalement sur les questions liées aux femmes et aux filles palestiniennes. ALLMEP (Alliance for Middle East Peace) est une coalition de plus de 160 organisations – et de centaines de milliers d’activistes – qui construisent la coopération, la justice, l’égalité, un espace social commun, la compréhension mutuelle et la paix au sein de leurs communautés. Women of The Sun est un mouvement de femmes pour la paix relativement récent, qui collabore avec l’organisation israélienne Women Wage Peace.

Des instituts de recherche tels que le Palestinian Center for Policy and Survey Research, Jerusalem Center for Women, The Palestinian House for Professional Solutions, Al-Damour Center for Community Development, The Peace and Democracy Forum, et d’autres encore, constituent une importante source d’informations pour les responsables et la communauté internationale.

Les défis actuels

Les défis auxquels sont confrontées les sociétés israélienne et palestinienne sont fondamentalement différents, tout comme le sont les défis des camps de la paix de chaque côté. Dans les deux sociétés, tant que les combats se poursuivent, il n’y a pas de légitimité globale à appeler à une solution politique, même si entre le Jourdain et la mer il existe une majorité qui reconnaît que la force militaire ou la violence ne peuvent à elles seules apporter de résultats bénéfiques, et que des mesures politiques impliquant la communauté internationale – et le monde arabe en particulier – sont nécessaires pour l’avenir d’Israël et de la Palestine.

Aujourd’hui, le dialogue entre Israéliens et Palestiniens est quasiment inexistant, et bien que de nombreux militants pacifistes des deux camps restent en contact par le biais des réseaux sociaux, il est à craindre qu’au lendemain de la guerre le camp de la paix – des deux côtés – ne souffre encore plus de délégitimation, persécution et diabolisation. La crise idéologique actuelle place de nombreux militants dans des dilemmes difficiles et la confusion ; beaucoup d’entre eux font état de sentiments de désespoir. Cependant, ils ne restent pas passifs face à la situation, et comprennent l’opportunité que représente cette guerre malheureuse eu égard à un changement fondamental de l’attitude du public et de la communauté internationale face au conflit israélo-palestinien.

Dans le camp de la paix israélien, sont menées des actions visant à la désescalade, des campagnes appelant à une solution politique et au retour de tous les otages israéliens, à un dialogue approfondi avec la communauté internationale, à un réexamen des solutions politiques et des accords avec d’autres pays de la région. Le camp de la paix palestinien s’empresse également en faveur d’un dialogue approfondi avec la communauté internationale, de la résistance non violente face à la violence croissante des colons en Cisjordanie, de l’appel à l’aide humanitaire pour les habitants de Gaza et la fin du massacre de civils.

Seules quelques organisations israéliennes se joignent à l’appel en faveur de la fin de la guerre, tandis que l’opinion publique israélienne est largement favorable à ce que des mesures soient prises pour mettre fin à la domination du Hamas dans la bande de Gaza. Le camp de la paix palestinien quant à lui ne condamne pas clairement le Hamas et son pouvoir à Gaza, bien que la grande majorité d’entre eux soient identifiée comme des partisans de l’Autorité palestinienne et bénéficie de son soutien dans le dialogue israélo-palestinien.

Il est clair qu’une telle action contre le Hamas sera perçue comme une attaque contre la tentative palestinienne de remettre en cause la légitimité internationale accordée aux bombardements israéliens et à la crise humanitaire à Gaza. Le camp de la paix israélien cherche avidement à faire entendre au public israélien les voix palestiniennes contre le Hamas, mais elles sont trop peu nombreuses et il n’est pas évident de savoir dans quelle mesure elles représentent les tendances profondes de la société palestinienne.

On peut supposer que dans les semaines à venir, la colère du public israélien face à l’échec du 7 octobre éclatera et déferlera dans les rues, et que la société civile israélienne sera mise à l’épreuve non seulement en essayant de renverser le gouvernement Netanyahou, mais aussi en exigeant une autre gestion du conflit et une résolution par des moyens non militaires. Dans le même temps, le camp de la paix palestinien a également besoin d’une direction courageuse et active pour parvenir à une solution politique fondée sur la solution à deux États.

Soutenir les militants et les organisations pacifistes israéliens et palestiniens est essentiel pour encourager l’établissement de la paix à partir d’une base populaire, c’est un complément décisif à tout processus diplomatique « top-down » réussi.

Le processus d’Oslo a montré que sans l’engagement de la société civile et le soutien public, il est moins probable que les accords soient effectivement mis en œuvre par des politiciens à la recherche de gains à court terme. Simultanément, un leadership fort est essentiel pour prendre des décisions difficiles et guider la population sur la voie de la réconciliation. Les activistes, dont il est question ici, ont montré qu’il existe de véritables partenaires pour la paix de part et d’autre de la Ligne verte. Le chemin n’est pas facile, mais il est possible.

Traduit de l’anglais par Cécile Moscovitz

 


[1] Gijsbert M. Van Iterson Scholten, « Peace in Peace Studies: Beyond the ‘Negative/Positive’ Divide », Visions of Peace of Professional Peace Workers: The Peaces We Build, 27-64, 2020.

Naomi Sternberg

Historienne, Tel Aviv University, Directrice de la section Conflits et Genre de l’Initiative de Genève

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Notes

[1] Gijsbert M. Van Iterson Scholten, « Peace in Peace Studies: Beyond the ‘Negative/Positive’ Divide », Visions of Peace of Professional Peace Workers: The Peaces We Build, 27-64, 2020.