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Pologne : la messe n’était pas dite

Politiste

Après la formation d’une coalition politique hétéroclite dirigée par Donald Tusk, la Pologne promet de rompre avec les années conservatrices du PiS au pouvoir. Dépolitisation des médias publics, de l’enseignement et de la recherche : que pourra réellement entreprendre cette nouvelle équipe de centre droit, en désaccord sur de nombreux sujets ?

« C’est la victoire de la Pologne, […] de la démocratie […], c’est la victoire de la liberté, de notre Pologne bien-aimée […] c’est un jour historique, de renaissance de la république polonaise ! ». Les mots ne semblaient pas assez forts à Donald Tusk, en cette soirée du 15 octobre 2023 pour célébrer devant ses partisans la victoire des partis de l’opposition face au gouvernement conservateur du parti Droit et justice (PiS), au pouvoir depuis huit ans.

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L’ancien chef du gouvernement et leader de la Plateforme civique (PO) ne manquait pas de raisons pour interpréter les résultats des élections parlementaires du 15 octobre en termes de retour de la démocratie, après des années de repli nationaliste, de « révolution conservatrice »[1] et d’affaiblissement de l’État de droit. En insistant le 12 décembre, lors de sa déclaration de politique générale, sur la victoire du bien sur le mal et de la vérité sur le mensonge, Donald Tusk a également voulu rétablir la dignité de la politique en Pologne, que les outrances verbales, les procès d’intention et les attaques ad hominem de la majorité précédente ont beaucoup malmenée.

Sans minimiser la dimension hautement symbolique et la signification historique de cette nouvelle donne politique, celle-ci peut être tout autant interprétée comme une nouvelle alternance gouvernementale, soulignant aussi des formes certaines de continuité de la vie politique polonaise. La singularité de ce changement politique ne tient peut-être pas seulement à la fin annoncée de la dérive autoritaire : elle réside aussi dans le fait que jamais un scrutin n’avait porté au pouvoir une coalition politique aussi hétéroclite, dont la diversité augure des difficultés à venir autant qu’elle inaugure une page passionnante de l’histoire politique de la Pologne.

La démocratie réaffirmée

Les élections à la Diète et au Sénat du 15 octobre 2023 auront donc eu raison de l’hégémonie politique du PiS, ardent promoteur d’une « révolution conservatrice » fondée su


[1] Frédéric Zalewski, « L’émergence d’une démocratie antilibérale en Pologne », Revue d’études comparatives Est-Ouest, n°4 (57), 2016.

[2] Soit 157 mandats pour la Coalition civique, 65 pour Troisième voie et 26 pour Nouvelle Gauche.

[3] Selon les données de la Commission électorale nationale.

[4] L’expression avait été utilisée par Tadeusz Mazowiecki, juste après avoir été nommé président d’un gouvernement pour la première fois non communiste, le 24 août 1989.

[5] Voir chaîne télévisée de la Diète.

[6] Jérôme Heurtaux, La démocratie par le droit. Pologne 1989-2016, Paris, Presses de Science po, 2017.

[7] Données disponibles sur le site de la Diète.

[8] Les partis ont l’obligation légale de présenter un minimum de 35 % de femmes sur chaque liste électorale.

[9] Voir dans le cas de la France Valentin Behr et Sébastien Michon, « Les facteurs sociaux des carrières politiques des femmes ministres. Une féminisation en trompe-l’œil », Genèses, vol. 96, no. 3, 2014, p. 132-156.

Jérôme Heurtaux

Politiste, Maître de conférences en science politique

Notes

[1] Frédéric Zalewski, « L’émergence d’une démocratie antilibérale en Pologne », Revue d’études comparatives Est-Ouest, n°4 (57), 2016.

[2] Soit 157 mandats pour la Coalition civique, 65 pour Troisième voie et 26 pour Nouvelle Gauche.

[3] Selon les données de la Commission électorale nationale.

[4] L’expression avait été utilisée par Tadeusz Mazowiecki, juste après avoir été nommé président d’un gouvernement pour la première fois non communiste, le 24 août 1989.

[5] Voir chaîne télévisée de la Diète.

[6] Jérôme Heurtaux, La démocratie par le droit. Pologne 1989-2016, Paris, Presses de Science po, 2017.

[7] Données disponibles sur le site de la Diète.

[8] Les partis ont l’obligation légale de présenter un minimum de 35 % de femmes sur chaque liste électorale.

[9] Voir dans le cas de la France Valentin Behr et Sébastien Michon, « Les facteurs sociaux des carrières politiques des femmes ministres. Une féminisation en trompe-l’œil », Genèses, vol. 96, no. 3, 2014, p. 132-156.