La monnaie volontaire
Dans Le pouvoir de la monnaie[1], nous entendons démontrer que l’indispensable bifurcation sociale et écologique de nos sociétés ne sera possible qu’au moyen d’adaptations institutionnelles visant à faire plus de place au non-marchand, au non-rentable, à la réparation et au respect des limites de la biosphère.

Au nombre de ces institutions à adapter figure la monnaie qui est une institution centrale de la société contemporaine, pilier de l’ordre marchand et capitaliste dans sa configuration actuelle héritée du XIXe siècle. Le régime monétaire contemporain, fondé sur des règles de nature bancaire avec les banques centrales et les banques commerciales comme organisations chargées de l’émission monétaire, est en effet façonné pour l’accumulation, le cœur du projet de nos sociétés capitalistes. Or c’est aussi là la source de nombre de dysfonctionnements sociaux, économiques, financiers, budgétaires et écologiques qui s’entremêlent dans la polycrise de l’époque.
La thèse du livre est donc que les règles de fonctionnement du régime monétaire bancaire, mises en place progressivement depuis le XIXe siècle, sont non seulement inadaptées à l’époque contemporaine mais constituent bien souvent des freins à la bifurcation souhaitée. L’institution monétaire, dans son fonctionnement actuel, est en retard sur les besoins contemporains. Son adaptation est nécessaire pour aider à l’éclosion d’un nouveau projet de société, plus inclusif, plus écologique, plus durable et plus équitable, comme elle s’est adaptée à l’aube de la révolution industrielle pour permettre une phase de prodigieuse croissance économique dont les conséquences sociales et écologiques mortifères marquent à présent le terme.
Le constat est rude mais la bifurcation proposée est porteuse d’espoirs, d’autant qu’elle repose sur un solide appareil conceptuel reprenant des éléments d’analyse ressortissant de l’histoire monétaire, de l’anthropologie, de la sociologie, de l’économie et de la philosophie politique,