Société

Homme sage-femme ou assistant social  : des trajectoires à l’encontre des inégalités de genre  ?

Sociologue

Explorer les métiers au-delà des frontières traditionnelles de genre soulève des questions essentielles sur l’égalité et les stéréotypes dans le monde professionnel. Cet examen approfondi révèle que, bien que certaines trajectoires atypiques puissent sembler briser les barrières, les dynamiques sous-jacentes de pouvoir et les privilèges genrés persistent, nécessitant une réflexion plus nuancée sur la manière d’encourager réellement la mixité dans toutes les sphères d’activité.

Femme ingénieure, chauffeuse poids lourd ou électricienne, homme éducateur de jeunes enfants, esthéticien ou infirmier… Chaque année, autour de la journée internationale pour les droits des femmes du 8 mars, on voit fleurir dans la presse des portraits de personnes aux métiers atypiques par rapport aux normes de genre.

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Ces portraits portent un message récurrent : en brisant les clichés, ces trajectoires défieraient à leur échelle les inégalités de genre qui caractérisent le marché du travail. Elles sont dès lors valorisées, si ce n’est encouragées.

Ces articles de presse font écho à un mouvement plus général des pratiques d’accompagnement à l’orientation scolaire et professionnelle qui, depuis les années 1980, visent la mixité des formations et des métiers. De nombreuses conventions interministérielles, initiatives régionales ou encore actions en établissements scolaires incitent les élèves et les jeunes adultes – en particulier les filles et les femmes – à s’affranchir des représentations genrées et à « oser » investir une filière ou une profession d’habitude choisie par l’autre groupe de sexe.

L’orientation est genrée

Ces politiques et pratiques éducatives sont une réponse à une situation très pérenne : en France comme à l’étranger, l’orientation est genrée. Les filles et les garçons, les femmes et les hommes, ne font pas les mêmes choix scolaires et professionnels. Les chiffres que publie annuellement la DEPP (le service statistique public de l’éducation) sont très parlants[1]. Dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur, dans les formations professionnelles comme dans les formations générales et technologiques, les filles sont largement surreprésentées dans les filières littéraires, paramédicales et sociales, les garçons dans les filières techniques, sportives et scientifiques. Les choix sont d’ailleurs si marqués par le genre que Françoise Vouillot, chercheuse en psychologie, qualifie l’orientation de « butoir de la mixité[2] ».


[1] Rapport « Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur », DEPP, 2023.

[2] Françoise Vouillot, « L’orientation, le butoir de la mixité », Revue française de pédagogie, n°171, 2010, p. 59-67.

[3] Par exemple, les travaux d’Emmanuelle Zolesio sur les chirurgiennes, ceux de Christine Mennesson sur les footballeuses, boxeuses et haltérophiles, ou ceux de Clotilde Lemarchant sur les lycéen·nes aux choix d’orientation atypiques en termes de genre.

[4] Isabelle Clair, « La découverte de l’ennui conjugal. Les manifestations contrariées de l’idéal conjugal et de l’ethos égalitaire dans la vie quotidienne de jeunes de milieux populaires », Sociétés contemporaines, vol. 3, n°83, 2011, p. 59-81.

[5] Marianne Blanchard, « L’orientation des filles vers les filières scientifiques : cause acceptable ou discutable ? », Carnets rouges n°30 [en ligne], 2024.

[6] Pour une analyse de cette rhétorique, voir Marlaine Cacouault-Bitaud, « La féminisation d’une profession est-elle le signe d’une baisse de prestige ? », Travail, genre et sociétés, vol. 1, n° 5, 2001, p. 91-115.

Alice Olivier

Sociologue, Maîtresse de conférences à l'Université de Lille

Rayonnages

SociétéGenre

Notes

[1] Rapport « Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur », DEPP, 2023.

[2] Françoise Vouillot, « L’orientation, le butoir de la mixité », Revue française de pédagogie, n°171, 2010, p. 59-67.

[3] Par exemple, les travaux d’Emmanuelle Zolesio sur les chirurgiennes, ceux de Christine Mennesson sur les footballeuses, boxeuses et haltérophiles, ou ceux de Clotilde Lemarchant sur les lycéen·nes aux choix d’orientation atypiques en termes de genre.

[4] Isabelle Clair, « La découverte de l’ennui conjugal. Les manifestations contrariées de l’idéal conjugal et de l’ethos égalitaire dans la vie quotidienne de jeunes de milieux populaires », Sociétés contemporaines, vol. 3, n°83, 2011, p. 59-81.

[5] Marianne Blanchard, « L’orientation des filles vers les filières scientifiques : cause acceptable ou discutable ? », Carnets rouges n°30 [en ligne], 2024.

[6] Pour une analyse de cette rhétorique, voir Marlaine Cacouault-Bitaud, « La féminisation d’une profession est-elle le signe d’une baisse de prestige ? », Travail, genre et sociétés, vol. 1, n° 5, 2001, p. 91-115.