Politique

L’art de ne pas démocratiser la formation des élus locaux

Sociologue

Malgré la réforme de 2021, la question de la formation des élus n’est toujours pas résolue, et reste un enjeu démocratique crucial souvent négligé dans les débats sur leur statut. Face à la diversité des besoins et aux inégalités d’accès, une refonte profonde des dispositifs de formation apparaît essentielle pour véritablement valoriser leur rôle.

À la fin de l’année 2023, la question du statut de l’élu est revenue à l’agenda politique. D’abord par le biais du gouvernement lors de la Convention Nationale de la Démocratie Locale[1] (le 07 novembre dernier) puis par les délégations aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Un petit jeu semble s’être installé entre le Gouvernement et les Parlementaires pour élaborer chacun ses propres recommandations en faveur des élus locaux.

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Dans la liste des sujets abordés, la formation apparait encore comme un objet secondaire, derrière les indemnités ou la lutte contre les violences. Seule la question des dispositifs de reconversion professionnelle semble retenir l’attention à la défaveur de la formation suivie en cours de mandat.

Cette relégation de la formation peut s’expliquer par l’état actuel des droits auxquels les élus ont accès. Sur le papier, les élus locaux français sont en effet plutôt bien dotés. Deux dispositifs sont à leur disposition. Le premier, issu de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, oblige les collectivités locales à inscrire un budget annuel équivalent à une fourchette se situant entre 2 et 20% de l’enveloppe indemnitaire (maximale théorique et non pas celle réellement allouée). C’est le droit « historique » que l’on abrège souvent par l’acronyme « DFEL » (droit à la formation des élus locaux).

Dans ce cadre, les élus disposent d’un congé de 18 jours par mandat pour se former sur l’ensemble des thématiques qui entrent dans le cadre de leur mandat. Tant que l’organisme dispose bien de l’agrément du Conseil National de la Formation des Élus Locaux (CNFEL) et que la collectivité n’a pas atteint le seuil de 20% en une année, l’élu ne peut pas se voir refuser le droit de se former. Même l’employeur (théorique) de cet élu, s’il peut s’opposer une première fois à son absence en justifiant le caractère dommageable pour l’activité de la structur


[1] Initiative de concertation / communication avec quelques centaines d’élus concernant les propositions du gouvernement sur la réforme du statut.

[2] Ce qui entraine une observation intéressante ; les élus en situation de cumul de mandat vont préférentiellement utiliser leur droit de formation dans la collectivité disposant des moyens les plus importants.

[3] Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales et Administratives. Bruno Acar, Xavier Giguet, Gabriel Morin, François Schechter, « La formation des élus locaux », IGAS-IGA, janvier 2020.

[4] Par exemple, tous les élus avec des patronymes composés n’étaient pas reconnus au début de l’année 2022 par la Caisse des Dépôts et Consignations en leur qualité d’élu et ne disposaient d’aucun droit. Encore aujourd’hui, ce problème existe pour les élus primo-accédants.

[5] Si 51200 élus (10% de l’ensemble des élus locaux) utilisaient 800€ de DIFe la même année, la Caisse des Dépôts et Consignations devrait financer l’équivalent de 40 millions d’euros de formation avec une enveloppe globale deux fois moins importante.

[6] Autrement dit, la libéralisation du marché de la formation des élus locaux par l’ouverture à l’ensemble des organismes de formation professionnelle.

Pierre Camus

Sociologue, Co-président de l'Observatoire National de la Formation des Élus Locaux (ONFEL)

Notes

[1] Initiative de concertation / communication avec quelques centaines d’élus concernant les propositions du gouvernement sur la réforme du statut.

[2] Ce qui entraine une observation intéressante ; les élus en situation de cumul de mandat vont préférentiellement utiliser leur droit de formation dans la collectivité disposant des moyens les plus importants.

[3] Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales et Administratives. Bruno Acar, Xavier Giguet, Gabriel Morin, François Schechter, « La formation des élus locaux », IGAS-IGA, janvier 2020.

[4] Par exemple, tous les élus avec des patronymes composés n’étaient pas reconnus au début de l’année 2022 par la Caisse des Dépôts et Consignations en leur qualité d’élu et ne disposaient d’aucun droit. Encore aujourd’hui, ce problème existe pour les élus primo-accédants.

[5] Si 51200 élus (10% de l’ensemble des élus locaux) utilisaient 800€ de DIFe la même année, la Caisse des Dépôts et Consignations devrait financer l’équivalent de 40 millions d’euros de formation avec une enveloppe globale deux fois moins importante.

[6] Autrement dit, la libéralisation du marché de la formation des élus locaux par l’ouverture à l’ensemble des organismes de formation professionnelle.