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Stratégie d’annihilation de la culture en Argentine

Historien

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes d’Argentine cette semaine contre la politique du président Javier Milei qui tente d’assécher l’enseignement supérieur, la recherche, le journalisme, la culture, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l’information ou l’exploration artistique et sont considérés comme peuplés de parasites par le nouveau gouvernement argentin.

Depuis l’investiture de Javier Milei à la présidence de la République argentine le 10 décembre dernier, son gouvernement s’est employé à bloquer les financements d’à peu près tous les services, directs ou délégués, de l’État. Cet assèchement s’est accompagné d’une rhétorique sur une supposée gabegie antérieure des finances publiques, ainsi que d’un lot quotidien d’invectives et d’insultes qui constituent désormais une bonne part de la parole publique du haut de l’État.

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À la fois cibles de coupes budgétaires remettant en cause leurs existences et des insultes présidentielles, les institutions culturelles – au sens large, depuis l’Éducation publique jusqu’à celles dédiées aux arts – sont particulièrement détestées par le nouveau pouvoir. Au-delà la violence verbale, souvent délirante, cette hargne relève d’une stratégie d’une droite qui se dit nouvelle.

Abattre les fondements de l’établissement de vérités

Recherche, journalisme, art, tous les secteurs qui se dédient à établir des vérités, par la connaissance, l’information ou l’exploration artistique, sont considérés comme peuplés de parasites et mis au pilori par le nouveau gouvernement argentin. Durant sa campagne, Milei a promis de fermer le CONICET (l’équivalent du CNRS en Argentine), probablement l’organisme de recherche le plus performant d’Amérique latine. Une fois à la tête de l’État, effectivement, le CONICET est asphyxié financièrement et de nombreux chercheurs sont contraints de prendre la route d’un exil « économique » (la distinction entre « migration économique » et exil politique n’a jamais été très convaincante du fait de politiques économiques forçant à la migration, son ineptie est flagrante dans ce cas).

L’agence de presse nationale, Télam, a brutalement été fermée. Du jour au lendemain, ses travailleurs ont trouvé porte close, dont l’accès était protégé par des clôtures et des policiers. Enfin, l’ensemble des financements des arts et de la culture ont été sévèrement sabrés, y compris l’em


[1] Il ne s’agit pas d’une invention dystopique d’un film d’anticipation mais du ministère qui a absorbé les anciens ministères du Travail, des Affaires sociales de l’Éducation et de la Culture.

[2] Si cette expression de « lavage de cerveau » est assez courante aujourd’hui, elle a une histoire notamment racontée par Grégoire Chamayou qui rapporte la grande peur du Pentagone qui, suite aux procès de Moscou, était persuadé que les Soviétiques possédaient une technique ou une substance permettant de guider les cerveaux. Un film tel que The Mandchourian Candidat (sorti en France sous le titre Un crime dans la tête, 1962) illustre cette grande peur occidentale des années 1950. Voir l’introduction de Grégoire Chamayou au Collectif, Kubark. Le Manuel secret de manipulation mentale et de torture [1963], Zones/La Découverte, 2012.

[3] Agustín Laje, La batalla cultural. Reflexiones críticas para una Nueva Derecha, HarperCollins, 2022. En France, cette même maison d’édition mondiale a édité la rigoureuse enquête de Christine Dupont de Ligonnès qui prouve que son frère n’a pas tué sa famille dans un mélange de délires et de fantasmes, le tout tissé dans une logique qui échappe à la raison. Bref, il s’agit d’une maison d’édition qui ne peut qu’avoir une très bonne santé financière dans le marché éditorial actuel et un fort impact. Dans le cas qui nous intéresse, Laje rencontre un succès dans l’ensemble du monde hispanophone.

[4] Ibid, pp. 477 et 484.

Notes

[1] Il ne s’agit pas d’une invention dystopique d’un film d’anticipation mais du ministère qui a absorbé les anciens ministères du Travail, des Affaires sociales de l’Éducation et de la Culture.

[2] Si cette expression de « lavage de cerveau » est assez courante aujourd’hui, elle a une histoire notamment racontée par Grégoire Chamayou qui rapporte la grande peur du Pentagone qui, suite aux procès de Moscou, était persuadé que les Soviétiques possédaient une technique ou une substance permettant de guider les cerveaux. Un film tel que The Mandchourian Candidat (sorti en France sous le titre Un crime dans la tête, 1962) illustre cette grande peur occidentale des années 1950. Voir l’introduction de Grégoire Chamayou au Collectif, Kubark. Le Manuel secret de manipulation mentale et de torture [1963], Zones/La Découverte, 2012.

[3] Agustín Laje, La batalla cultural. Reflexiones críticas para una Nueva Derecha, HarperCollins, 2022. En France, cette même maison d’édition mondiale a édité la rigoureuse enquête de Christine Dupont de Ligonnès qui prouve que son frère n’a pas tué sa famille dans un mélange de délires et de fantasmes, le tout tissé dans une logique qui échappe à la raison. Bref, il s’agit d’une maison d’édition qui ne peut qu’avoir une très bonne santé financière dans le marché éditorial actuel et un fort impact. Dans le cas qui nous intéresse, Laje rencontre un succès dans l’ensemble du monde hispanophone.

[4] Ibid, pp. 477 et 484.