International

En Iran, le courage de Toomaj Salehi

Anthropologue

Un tribunal iranien a prononcé le 24 avril la peine de mort à l’encontre du rappeur et opposant Toomaj Salehi. Ce dernier incarne les valeurs et les tactiques du mouvement « Femme Vie Liberté », qui ont renversé la donne politique en Iran. Sa condamnation est aussi une tentative de décapiter symboliquement une révolte qui ne s’éteint pas, quand bien même elle est écrasée.

L’opposant et rappeur iranien Toomaj Salehi, figure du mouvement Femme Vie Liberté, a été condamné à mort. La nouvelle est un choc, un degré franchi dans la politique de terreur qui s’installe actuellement en Iran.

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À l’extérieur, le gouvernement fait peau neuve à la tête d’un « axe de la résistance » aux crimes d’État israéliens à Gaza, et fait oublier le consensus qui unit désormais son peuple contre lui. À l’intérieur, la répression dans les prisons et dans les rues s’enfonce dans une brutalité nouvelle, destinée à dissoudre les racines du mouvement révolutionnaire. Les femmes, qui poursuivent la révolte à travers une désobéissance civile au port du voile obligatoire, subissent une violence policière de plus en plus grande.

L’État iranien, que le soulèvement a mené au bord du renversement en 2022, a persisté et s’est relevé depuis, au prix d’une répression sanguinaire qui s’appuie sur sa position internationale : les États occidentaux ont utilisé à leur profit les acquis de la rue iranienne afin de reprendre dès janvier 2023 – en position de force face à un régime affaibli par la contestation interne – les négociations sur l’arrêt du programme nucléaire. Dans ce processus, ils ont redonné à l’État iranien le pouvoir matériel et symbolique dont il avait besoin pour sa survie, particulièrement en montrant à toutes ces franges indécises et grises, rouages de fait du régime et de la répression, qu’il n’était pas dans leur intérêt d’opter pour la défection.

Malgré les discours d’hostilité à la théocratie iranienne, la stabilité de celle-ci est devenue un élément important dans un Moyen-Orient dans lequel l’ordre hégémonique s’est maintenu depuis plus de vingt ans en « gérant le chaos global »[1] (trois millions de morts directs et indirects, et 38 millions de déplacés dans le sillage de la « guerre contre la terreur » menée par les États-Unis en Irak, au Pakistan et en Afghanistan). La République islamique assure en effet le maintien de l’ordre d’une partie d


[1] Nom de la doctrine de politique extérieure états-unienne dans le monde de l’après-guerre froide : Chester A. Crocker et Fen Osler Hampson avec Pamela Aall, Managing Global Chaos: Sources of and Responses to International Conflict, United States Institute of Peace Press, 1996, 642 pp.

[2] Chowra Makaremi, Le cahier d’Aziz, Gallimard, 2011, p. 49.

Chowra Makaremi

Anthropologue, Chercheuse au CNRS

Notes

[1] Nom de la doctrine de politique extérieure états-unienne dans le monde de l’après-guerre froide : Chester A. Crocker et Fen Osler Hampson avec Pamela Aall, Managing Global Chaos: Sources of and Responses to International Conflict, United States Institute of Peace Press, 1996, 642 pp.

[2] Chowra Makaremi, Le cahier d’Aziz, Gallimard, 2011, p. 49.