Société

On a nagé dans la Seine

Sociologue

Si le Président Macron a déclaré son intention de nager dans la Seine, c’est une pratique déjà courante pour de nombreux nageurs ou groupes informels. Cette nage, plus qu’un simple bain, soulève des questions cruciales sur la qualité de l’eau, l’accessibilité des rivières urbaines et le rapport à l’environnement dans un contexte de défis écologiques croissants.

Le 1er mai 2024, nous étions 15 à descendre la Seine à la nage sur trois kilomètres en suivant le bras gauche du fleuve à L’Île-Saint-Denis, en face de Gennevilliers – sept femmes et cinq hommes.

 

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L’événement avait été annoncé sur la page Facebook des Ourcq polaires, groupe informel de nageurs en eau froide, qui se baignent tout l’hiver en maillot de bain dans le canal de l’Ourcq à Pantin depuis six ans et dont la notoriété est grandissante[1]:

« Les ourcq dans la Seine !
Comme pour toutes les activités proposées par Les Ourcq Polaires, chacune et chacun viendront sous leur propre responsabilité en respectant les grandes règles que nous nous sommes fixées dans notre charte, et notamment d’être équipés d’une bouée et de nager ensemble. La baignade n’est pas plus autorisée dans la Seine à cet endroit que dans le canal de l’Ourcq. La nage dans un fleuve constitue un contexte différent de celui du canal du fait notamment du courant et des abords plus éloignés et moins accessibles pour sortir en cas de difficulté. Pour l’instant, le débit de la Seine est assez élevé. Nous ne disposons d’aucun moyen pour tester la qualité de l’eau avant cette sortie. Chacune et chacun peut tenter de s’informer des risques encourus. Plusieurs articles de presse sont sortis à ce sujet. Pas tous positifs…Ni les pionniers des Ourcqs, ni moi, ne pourront être tenus responsables de vos désagréments intestinaux ! D’ailleurs, qui saurait déterminer l’origine de ces désagréments entre votre repas de la veille et votre baignade ? Et heureusement, les noyés ne pourront pas venir se plaindre.
L’idée de cette proposition est bien de profiter d’une sortie entre nageurs disposant déjà d’une expérience en eau libre et aussi de promouvoir l’accès à la nage en eau libre ».

Comme c’était un jour férié, les péniches ne circulaient pas. C’était aussi la fête du club de kayak, dont les membres faisaient le tour de l’île, et avec qui les contacts avaient été pris pour que nous soyons accompagnés par des bateaux qui transportaient les affaires et assuraient la sécurité. À cet endroit, en effet, il est difficile de remonter sur les berges en cas de difficultés, celles-ci n’étant pas aménagées pour les nageurs. La température de l’eau était de 13°C, ce qui n’est pas une barrière pour des nageurs habitués à des eaux bien plus froides. Les plus aguerris étaient en maillot de bain et les autres en combinaison, mais toutes et tous nous étions équipés d’une bouée.

Comme le courant est assez fort à cette période de l’année, nous avons mis seulement une quarantaine de minutes pour faire le trajet. On a nagé surtout le crawl, en mettant la tête dans l’eau. On s’est arrêté plusieurs fois pour se compter, se soutenir, s’attendre, se laisser porter par les flots et pour partager le plaisir que l’on prenait à nager dans la Seine, en eau libre, dans la nature…urbaine. Depuis les rives, en cette fin de matinée, l’eau était verte, calme, avec quelques remous, reflétant les arbres et le ciel. Immergés, vue à travers nos lunettes de natation, elle est un peu opaque ; on peut quand même voir le bout de nos mains comme on distingue nos voisins de nage quand ils ne sont pas trop loin. La Seine est ici moins turpide que ne le sont les eaux du canal de l’Ourcq. Si des voitures circulent sur les chaussées latérales, ou des tramways sur les ponts sous lesquels nous passons, les bruits sont atténués. Tête hors de l’eau, nous voyons des péniches amarrées, des abords arborés, un grand ciel au-dessus de nous, et des bâtiments, anciens et nouveaux. Au cours de notre voyage en Seine, nous passons devant l’écoquartier tout neuf et le futur village olympique.

L’héritage des JOP : le futur est le passé

Le projet parisien des jeux olympiques et paralympiques de 2024 est centré sur le fleuve. Il servira de décor à la cérémonie d’ouverture et accueillera l’épreuve de natation du triathlon et le 10 km en eau libre sous le pont Alexandre III…si les conditions sanitaires le permettent. Les tests grandeur nature réalisés l’été dernier n’ont pu se tenir que partiellement en raison des mauvais résultats des prélèvements effectués en amont, particulièrement du fait des fortes pluies qui avaient précédé l’événement et de la mauvaise fermeture d’une vanne en amont.

En effet, quand il pleut de manière importante, les eaux usées se mélangent aux pluviales et se déversent dans la Seine sans pouvoir être traitées. La quantité de bactéries Escherichia-coli augmente alors dans le fleuve dans des proportions qui le rendent impropre à la baignade, ou pour le moins impropre à la tenue d’une compétition de nage en eau libre. Pour que l’épreuve ait lieu, les pouvoirs publics mènent depuis plusieurs années de grands travaux pour améliorer la qualité de l’eau de la Seine.

Le bassin de rétention d’Austerlitz, inauguré le 3 mai 2024, qui peut contenir 50 000 m3 d’eaux usées, n’est que la face la plus visible du programme d’assainissement qui passe aussi par la chasse aux mauvais branchements des logements en amont, sur la Seine comme sur la Marne, et par le raccordement de toutes les péniches parisiennes au tout-à-l’égout. La mairie de Paris, comme le Comité d’organisation des jeux olympiques assurent que les épreuves prévues pourront se dérouler avec, au pire, un décalage de quelques jours sur les dates initialement prévues.

Cette réussite est impérative pour les organisateurs, parce qu’elle constituera une démonstration médiatique éclatante que l’héritage promis de l’ouverture de 32 lieux de baignades dans la Marne et la Seine en 2025 sera possible. Les journalistes du monde entier s’intéressent à la question. Le New York Times a fait sa une avec une photo de centaines de personnes en paddle sur le fleuve au centre de la capitale, en titrant le 12 mai 2023 : « Olympic Swimming in the Seine ? How Paris is Remaking a River ». Il ne s’agit rien de moins que de reconquérir les rivières urbaines après des décennies d’abandon au profit de l’industrie et de la circulation automobile.

Au niveau international, à partir des années 1990, de vastes zones désaffectées près des fleuves ont été réinvesties par les municipalités, « restaurées, réhabilitées, ou réassignées[2] ». Initié à Baltimore ou à Boston, le mouvement s’est étendu, s’inscrivant dans des projets de revalorisation de la « nature » en ville, accompagné de discours sur les circulations douces et le besoin de lieux de détente et de loisirs au cœur des villes, sans oublier l’activisme des promoteurs immobiliers. La reconquête des waterfronts a remis en avant cette ressource précieuse qu’est la rivière urbaine. À Paris comme ailleurs, les rives ont été rendues aux piétons, cyclistes et joggeurs, aux installations commerciales et artistiques récréatives. Le fleuve quant à lui est toujours parcouru de vedettes touristiques, mais de nageurs, point.

Pouvoir à nouveau nager dans la Seine, et dans les autres rivières urbaines, renoue avec le passé. Les fameux bains Deligny ont été créés en 1796, et une quinzaine d’établissements de bains s’étendaient tout au long de la Seine à Paris jusqu’au dernier quart du XIXe siècle[3]. Bains luxueux dans les écoles de natation de l’élite, ils étaient faits de piquets tendus de draps pour les plus pauvres – les bains à quatre sous croqués par Daumier.

Les textes régulant la baignade avaient alors surtout pour but de veiller à la décence publique en séparant les baigneuses et les baigneurs, et en les empêchant de se montrer nus sur la voie publique. L’essor de la navigation au XIXe siècle a conduit à une interdiction de la baignade en eaux vives à Paris dès 1840 (sauf exception). Seuls quelques spots définis chaque année par une ordonnance de police étaient ouverts à la baignade à l’amont et à l’aval de Paris dans les limites de l’ancien département de la Seine.

À partir de 1872, précise Georges Vigarello, la nage en pleine eau a été interdite même pour les écoles de natation. Celles-ci avaient auparavant l’habitude d’amener hors de leurs bâtiments les nageurs groupés et accompagnés d’un bateau pour « éprouver le courant de la rivière ». Depuis cette date, le nombre d’établissements de bain sur la Seine parisienne a commencé à diminuer, du fait de la perte d’intérêt de ne plus pouvoir aller au large et d’un changement dans les regards des Parisiens sur l’hygiène du fleuve. Douze ans après est construite la première piscine chauffée hors de la Seine, à Château Landon, et une autre histoire des baignades va commencer.

La loi de 1923, souvent citée comme moment de l’interdiction de la baignade à Paris, n’est qu’une extension à l’ensemble du département de la Seine de l’interdiction de baignade en eaux vives qui était en vigueur à Paris. Contrairement aux informations souvent lues et entendues, cette loi de 1923 ne fait aucune mention de la pollution comme cause de l’interdiction de baignade[4].

Jusqu’au milieu du 20e siècle, de très nombreuses zones de baignades existent en Île-de-France[5], et la traversée de la Seine à Paris a été un rendez-vous sportif annuel qui s’est tenu jusqu’à la seconde guerre mondiale. En cherchant dans Gallica, on trouve aisément des photographies de parisiens dans la Seine lors des chaudes journées d’été jusque dans les années 1950.

On peut noter pour finir qu’au-delà des discussions sur les niveaux réels de pollution de l’eau, sa seule invocation est le moyen le plus efficace et le moins coûteux d’éloigner les baigneurs de l’eau des rivières ; ce qui a été particulièrement le cas dans les années 1970, au moment où les « 1 000 piscines » attendaient leurs nouveaux usagers. À partir de ce moment, tout le monde ou presque est sorti des rivières urbaines, devenues infréquentables.

La reconquête des rivières urbaines

Roberto Epple, Président de l’ONG European Rivers networks (ERN), qui est engagée dans la préservation et la gestion durable des fleuves, commence sa conférence en racontant qu’il a appris à nager dans la Limmat à Zurich, au début des années 1950[6]. Militant, activiste et lobbyiste à Bruxelles, il a participé au travail de reconquête des rivières en Europe à partir des années 1990. Au début du XXIe siècle, il est à l’initiative du Big Jump qui consiste pour tous les européens à se jeter à l’eau dans les rivières de leur ville tous les deuxièmes dimanches du mois de juillet à 15h, pour réclamer leur propreté et faire avancer la possibilité de s’y baigner de nouveau. Selon ses propres données, entre 2002 et 2023, le Big Jump a réuni 200 000 personnes dans 34 pays, lors de 2 400 événements recensés, qu’ils aient été autorisés ou interdits. Les Belges sont les plus nombreux à se jeter à l’eau, devant les Français et les Italiens, les Turcs, les Allemands et les scandinaves. Les Suisses quant à eux y participent peu, habitués qu’ils sont à pouvoir se baigner partout.

L’idée première a germé au moment de la réunification allemande en 1989, autour de l’Elbe, fleuve le plus pollué d’Europe, quand les rivières du continent étaient toutes à l’agonie, consécutivement aux activités industrielles des 30 glorieuses. Symbole politique de réunion des deux Europes, le nettoyage de l’Elbe a été lancé par l’Allemagne, alors même que les poissons pêchés dans le fleuve étaient impropres à la consommation. Les moyens mis en œuvre ont porté leurs fruits à tel point que l’écosystème a répondu favorablement. Quand la preuve scientifique de la qualité de l’eau a été apportée, il est devenu à nouveau possible de se baigner dans l’Elbe. En 2005, pour le Big Jump, des milliers de plages ont été aménagées le long des rives, par-delà les frontières nationales : le fleuve est né de nouveau pour les baigneurs, renouant avec ce qu’il était un siècle auparavant. Si l’ERN a participé directement aux travaux relatifs à la directive cadre sur l’eau adoptée par l’Union Européenne en 2000, il reste beaucoup à faire pour pouvoir se baigner dans les rivières urbaines, particulièrement en France.

Depuis quelques années, des individus, groupes informels, associations et activistes de la nage en eau libre en milieu urbain, bravent les interdictions pour faire vivre à nouveaux ces espaces aquatiques récréatifs ; ils sont parfois accompagnés par les collectivités locales qui cherchent à rendre la baignade possible en eau libre comme à Tours ou à Vichy. À Paris ou en très proche banlieue, le Laboratoire des Baignades Urbaines Expérimentales organisait dans les années 2010 des baignades sauvages dans le canal de l’Ourcq à la Villette, qui pouvaient réunir plusieurs dizaines de personnes. Les Ourcq polaires ont quant à eux la particularité de privilégier les baignades hivernales dans ce même canal. Une ethnographie participante au sein du groupe nous a permis d’appréhender les ressorts de la nage urbaine illégale[7].

Les premiers « ploufs », selon le langage indigène, ont eu lieu en 2010, organisés par les tout premiers « nageurs pirates » qui se sont inspirés des pratiques londoniennes de la Serpentine Swimming Association, puis le groupe s’est structuré à partir de 2016 en choisissant le nom des Ourcq polaires. Ils étaient 3 ou 4 les premières années, avant que la création d’une page Facebook et quelques échos dans la presse n’attirent plus de monde. Le choix du lieu a été important : il fallait qu’il soit accessible, sécure et suffisamment discret pour que la police n’intervienne pas. Quelques tentatives dans la Seine à Paris ont vite été abandonnées du fait de la force du courant et de l’intense circulation des bateaux. Le bassin de la Villette a d’abord été testé mais, comme la police intervenait, Les Ourq se sont déplacés à Pantin, qui est devenu le spot de la baignade hivernale, le seul à Paris et en proche banlieue. Pour y participer, les ploufeurs doivent faire avec le froid, la pollution et l’interdiction de se baigner.

Laissons le froid de côté pour se concentrer sur les deux autres barrières à la baignade que l’on retrouve aussi en été. La pollution est sans doute le plus grand frein au regard des réactions de passants interrogés dans différents reportages sur l’idée de se baigner dans la Seine. Quand on se baigne à Pantin, avec les Ourcq polaires, on ne connait pas la qualité de l’eau, ni bactériologique ni toxicologique, et nous voyons souvent à la surface flotter des bouteilles de bière, des mégots, des sacs en plastiques et, à l’occasion, des oiseaux morts. Comme l’écrit Mary Douglas, « notre idée de ce qui est sale est le fruit de notre souci de l’hygiène et du respect des conventions[8]. »

Le texte de l’événement Facebook concernant la descente de la Seine le 1er mai mentionne aussi cette non-connaissance de la qualité de l’eau et laisse le soin à chacun de s’informer comme il le peut. Toujours est-il que les multiples bains effectués par les membres du groupe depuis une petite dizaine d’années constituent un savoir empirique sur les effets de l’immersion dans cette eau. Résultat, largement diffusé auprès de la presse ces derniers temps : « on se baigne deux fois par semaine ici depuis 8 ans, ce qui correspond à peu près à un millier de ploufs, et personne n’a jamais été malade ». Conclusion : l’eau du canal, comme celle de la Seine, est « nageable mais pas buvable », selon l’expression largement utilisée dans le groupe. Les petits désagréments qui peuvent subvenir, mentionnés aussi dans le texte de l’événement, ne sont jamais dits par les Ourcq, et restent, s’ils existent, de petits désagréments.

L’interdiction de se baigner, matérialisée par des panneaux disposés tout le long du canal à l’endroit de la baignade, n’est pas non plus un frein. Le lieu est équipé de caméras de surveillance qui permettraient donc d’avertir que nous contrevenons à la loi. En plus d’assurer notre sécurité personnelle, le fait que nous nagions toujours avec une bouée lors de nos ploufs envoie le signal que nous sommes organisés et responsables. Quand il arrive que la police passe, et s’arrête, cela se limite à un échange cordial, les uns prévenant des dangers de la pollution et du passage des péniches, les autres arguant qu’ils sont sérieux et qu’il n’y a pas d’autre lieu à Paris pour pratiquer la nage en eau froide. Jamais personne n’a été verbalisé. La règle de l’interdiction, à cet endroit, n’est donc pas opérante. Ce qui fait aussi conclure aux membres du groupe que : « si c’était vraiment pollué, on nous sortirait de l’eau ». Les Ourcq profitent donc au quotidien d’un magnifique bassin à ciel ouvert de 500 m sur 50, et vont parfois nager en Seine, dans les espaces sécures, les jours où il n’y a pas de péniche en circulation.

Pour une liberté des baignades en phase de réchauffement climatique

Le 28 septembre 2023, nous avons organisé sur le Campus Condorcet à Aubervilliers un colloque intitulé : « Droit des baignades, droits aux baignades. L’accès aux rivières urbaines face au réchauffement climatique[9] ». Il a réuni des juristes, des historiens, des sociologues, des chimistes spécialistes de la qualité de l’eau, comme des responsables de la mairie de Paris, de la police nationale et des maîtres-nageurs. Il en est ressorti principalement que devant les canicules à venir, et du fait de la crise que connaissent les piscines publiques, la question n’était plus de se demander s’il fallait interdire ou autoriser les baignades dans les rivières, qui de toute façon se font et se feront, mais de les accompagner.

Il suffit pour s’en persuader d’aller au bassin de la Villette les jours de canicule pour voir à quel point, malgré les panneaux d’interdiction et l’existence d’une piscine surveillée, les baigneurs sont nombreux dans le canal[10]. Au-delà de la qualité de l’eau, dont on a vu qu’elle est bien souvent un prétexte pour éloigner les populations des milieux aquatiques ouverts, il est apparu qu’un des blocages principaux en France était de nature juridique. La question posée dans le colloque n’est pas compréhensible en Suisse ou en Allemagne, pays dans lesquels, sauf exceptions dument motivées, on se baigne où l’on veut dans les cours d’eau, à ses risques et périls. On peut ainsi descendre le Rhône à la nage à Genève, se laisser porter par l’Aar à Berne ou par l’Isaar à Munich. On peut se baigner dans le Rhin rive droite mais pas rive gauche.

En France, les collectivités locales usent et abusent des interdictions de baignade afin de protéger les maires en cas de noyades qui engageraient leur responsabilité, même si l’efficacité de ces interdictions laisse à désirer. Pour le juge Christian Belhache, intervenant au colloque et auteur d’un ouvrage monumental sur le droit des baignades[11], la liberté est le premier principe : « l’accès aux domaines publics maritimes ou fluviaux s’exerce librement 24 heures sur 24 tous les jours de l’année », les interdictions pouvant uniquement porter sur les zones de défense nationale, de protection de l’environnement ou en cas de danger avéré. Il précise qu’« un arrêté ne permettant pas la pratique de la baignade là où elle est possible, flirte singulièrement avec un probable excès de pouvoir ».

Aussi, si les Jeux olympiques et paralympiques sont une occasion exceptionnelle de mettre sur le devant de la scène la question des baignades urbaines, il ne faut sans doute pas s’arrêter à la construction de quelques bassins dans le fleuve – dont les baigneurs déborderont très vite quand il fera chaud –, mais aménager la Seine à Paris, et ailleurs, afin que les baigneurs puissent à nouveau « éprouver le courant de la rivière » en partageant l’espace avec le trafic fluvial. Cette perspective qui répond aux changements climatiques à venir ne pourra prendre toute sa mesure que si l’on n’oublie pas d’apprendre à nager aux enfants et que l’on renoue avec la culture des fleuves que nous avons perdue.


[1] En mai 2024, plus de 800 personnes sont inscrites sur la page Facebook. Ce nombre a presque doublé depuis un an, en raison de la notoriété grandissante du groupe, consécutive aux nombreux reportages journalistiques sur les pionniers de la nage dans la Seine – de TF1 à Arte, en passant par Le Parisien, Cnews, la Rtbf ou la télévision norvégienne… Les membres actifs qui s’immergent régulièrement sont beaucoup moins nombreux ; entre 20 et 30 personnes qui tournent.

[2] Olivier Sirost, Charly Machemehl, Jean-Paul Ducrotoy, Reclaiming and rewilding river cities for outdoor recreation, London, Springer, 2020.

[3] Georges Vigarello, « Pratiques de la natation au 19e siècle. Du thermalisme à la compétition » in Du jeu ancien au show sportif. La naissance d’un mythe, Paris, Seuil, 2002, p.79-91.

[4] L’intervention de Laurence Lestel, chimiste et historienne, dans le colloque sur le droit des baignades qui s’est tenu à Aubervilliers le 28 septembre 2023, a été indispensable pour reconstituer cette histoire.

[5] Isabelle Duhau, « Les baignades en rivière en Île-de-France », 22e Journées scientifiques de l’Environnement – Reconquête des environnements urbains : les défis du 21e siècle, Créteil, France, 2011.

[6] Intervention de Roberto Epple dans le séminaire « Nager : une socio histoire », EHESS, Aubervilliers, le 12 décembre 2023. Cette conférence comme d’autres tenues dans le séminaire sont disponibles en ligne.

[7] Benoit Hachet, « En maillot de bain l’hiver dans le canal de l’Ourcq à Pantin : une micro aventure ludique », Géographie et culture, n° 120-121, 2024, p.149-166.

[8] Mary Douglas, De la souillure. Essai sur la pollution et le tabou, Paris, La Découverte, 2005 [1967], p. 29.

[9] Co-organisé par Clément Brun (Université de Bordeaux, Laces, Pave), Fabien Camporelli (Université de Lille, Clersé), Benoît Hachet (Ehess, Lap), Julia Moutiez (CRH, Lavue) et Sibylle Van der Walt (Metz ville d’eau). Les enregistrements sont disponibles en ligne.

[10] Julia Moutiez, « Se baigner à nouveau dans la Seine : l’héritage promis par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, n° 25, 2021.

[11] Christian Belhache, Le droit des baignades (7e ed.), Boulogne Billancourt, Berger Levrault, 2018.

Benoît Hachet

Sociologue, Enseignant à l'EHESS

Notes

[1] En mai 2024, plus de 800 personnes sont inscrites sur la page Facebook. Ce nombre a presque doublé depuis un an, en raison de la notoriété grandissante du groupe, consécutive aux nombreux reportages journalistiques sur les pionniers de la nage dans la Seine – de TF1 à Arte, en passant par Le Parisien, Cnews, la Rtbf ou la télévision norvégienne… Les membres actifs qui s’immergent régulièrement sont beaucoup moins nombreux ; entre 20 et 30 personnes qui tournent.

[2] Olivier Sirost, Charly Machemehl, Jean-Paul Ducrotoy, Reclaiming and rewilding river cities for outdoor recreation, London, Springer, 2020.

[3] Georges Vigarello, « Pratiques de la natation au 19e siècle. Du thermalisme à la compétition » in Du jeu ancien au show sportif. La naissance d’un mythe, Paris, Seuil, 2002, p.79-91.

[4] L’intervention de Laurence Lestel, chimiste et historienne, dans le colloque sur le droit des baignades qui s’est tenu à Aubervilliers le 28 septembre 2023, a été indispensable pour reconstituer cette histoire.

[5] Isabelle Duhau, « Les baignades en rivière en Île-de-France », 22e Journées scientifiques de l’Environnement – Reconquête des environnements urbains : les défis du 21e siècle, Créteil, France, 2011.

[6] Intervention de Roberto Epple dans le séminaire « Nager : une socio histoire », EHESS, Aubervilliers, le 12 décembre 2023. Cette conférence comme d’autres tenues dans le séminaire sont disponibles en ligne.

[7] Benoit Hachet, « En maillot de bain l’hiver dans le canal de l’Ourcq à Pantin : une micro aventure ludique », Géographie et culture, n° 120-121, 2024, p.149-166.

[8] Mary Douglas, De la souillure. Essai sur la pollution et le tabou, Paris, La Découverte, 2005 [1967], p. 29.

[9] Co-organisé par Clément Brun (Université de Bordeaux, Laces, Pave), Fabien Camporelli (Université de Lille, Clersé), Benoît Hachet (Ehess, Lap), Julia Moutiez (CRH, Lavue) et Sibylle Van der Walt (Metz ville d’eau). Les enregistrements sont disponibles en ligne.

[10] Julia Moutiez, « Se baigner à nouveau dans la Seine : l’héritage promis par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 », Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, n° 25, 2021.

[11] Christian Belhache, Le droit des baignades (7e ed.), Boulogne Billancourt, Berger Levrault, 2018.