Sciences

Pourquoi tant de passion pour la « froide vérité » ?

Philosophe, Philosophe

La revendication d’une vérité froide, à l’instar du film climato-sceptique de Martin Durkin, Climat. Le Film, fait valoir la science contre la politique. Alors que la frontière entre les deux n’est jamais marquée une fois pour toute. Dans le champ de l’écologie, et avec l’objectif de politiques efficaces, son effacement n’entame pas pour autant l’autorité des experts. Si l’on assume de refonder l’expertise sur de nouveaux piliers.

Un film documentaire intitulé Climat. Le Film (La froide vérité) alimente une vive controverse sur les conditions de crédibilité de l’expertise scientifique. Encore une !

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La « froide vérité » promue dans ce film de Martin Durkin, réalisateur britannique connu depuis 2007 comme « le Michael Moore de droite » parce qu’il affiche ouvertement son climato-scepticisme et ses penchants libertariens, consiste : à dénier le réchauffement (résultat biaisé parce que les thermomètres sont placés dans les zones urbaines surchauffées par le béton) ; à nier que le CO2 soit la cause de la hausse des températures et à invoquer le temps long de l’histoire de la Terre pour soutenir que nous sommes plutôt dans « une famine de CO2 » ; à protester contre la science officielle qui parvient à un consensus sur le climat uniquement par exclusion des doutes sceptiques ; à dénoncer les intérêts des scientifiques du GIEC qui utilisent le climat comme un instrument pour financer leurs recherches ; à « dévoiler » une manœuvre politique anticapitaliste dans les sciences du climat ; à dénoncer cet agenda politique comme hostile au confort et à la prospérité des pauvres et des pays du Sud.

Bref une tornade d’arguments qui déborde le genre classique du déni climatique pour en faire un enjeu de société. En guise de froide vérité, le film met en scène des questions vives, brûlantes, enjeux de controverses politiques plus que scientifiques.

De l’autre côté, la vérité s’échauffe pareillement. Nombre de citoyennes et scientifiques de toutes disciplines s’insurgent qu’on puisse encore proférer de telles inepties. Les expertes du GIEC se lassent de ne pas être écoutées par les politiques qui sacrifient l’habitabilité de la Terre et les générations futures aux intérêts immédiats. Bravant le dogme de la neutralité de la science, des scientifiques en rébellion critiquent ouvertement la myopie des pouvoirs en place et vont jusqu’à la désobéissance civile au nom de la vérité scientifique et contre les


Bernadette Bensaude-Vincent

Philosophe, professeure émérite à l’université Paris 1, membre de l’Académie des technologies

Gabriel Dorthe

Philosophe, Assistant senior à l’École Polytechnique Fédérale de Zürich.

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Climat