Société

De l’aide alimentaire à la sécurité sociale de l’alimentation

anthropologue

Comment, l’aide alimentaire, fondée sur le don, peut-elle lutter contre la pauvreté et les injustices sociales ? Alors que l’aide alimentaire s’est institutionnalisée et soutient des milliers de personnes en France, il faut s’interroger sur les angles morts de ce système. Seul le projet d’une Sécurité Sociale de l’Alimentation peut permettre de désengorger l’aide alimentaire et la sortir de la logique du marché.

Dans nos sociétés contemporaines ne pas prendre part à autre chose que ce que l’on veut faire en termes de lutte contre les inégalités sociales n’est pas chose aisée pour les bénévoles de l’aide alimentaire. En effet, comment ne pas tomber dans une forme d’utilitarisme dans lequel le corps de celui qui vient en aide et le corps de l’aidé vont à leur insu, nourrir un capitalisme insatiable. Comment agir lorsqu’un marché indigne de la faim s’organise sous leurs yeux et conjuguent la détresse de la survie des uns aux profits de quelques autres. Comment, dans un tel contexte, l’aide alimentaire peut encore se situer à la fois dans une perspective de lutte contre la pauvreté et de résistance face à des injustices flagrantes ?

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En effet, loin de cogérer une pauvreté grandissante, les acteurs impliqués résistent pour éviter que les plus vulnérables ne soient broyer par l’économie de marché. Ils déploient avec talent une économie morale[1] nourrie du principe de justice. Hélas, malgré une énergie considérable employée à sauver l’autre, force est de constater que loin d’être une réponse ponctuelle à une situation d’urgence exceptionnelle, l’aide alimentaire s’est institutionnalisée. Elle est devenue une part du système alimentaire. Elle est pour des milliers de personnes une façon de se nourrir.

Toutefois ne nous y trompons pas, cet état de fait n’est pas une fatalité, une urgence qui dure interroge l’organisation du système, des choix politiques et économiques et du fonctionnement des institutions. Un tel questionnement n’incrimine pas les acteurs de terrain de l’aide alimentaire, bien au contraire qu’ils soient ici salués pour leur travail précieux, ce questionnement s’adresse aux responsables des politiques alimentaires et sociales.

S’intéresser à la structure de l’aide alimentaire permet de révéler un pan méconnu d’un système alimentaire devenu fou. Si on s’inspire de l’analyse que fait Boris Cyrulnik[2], neuropsychiatre, de l’origine de la violence, nous pouvon


[1] James C. SCOTT, La domination et les arts de la résistance, fragments du discours subalterne, Éditions Amsterdam, 2008.

[2] Boris CYRULNIK, 40 voleurs en carences affectives, bagarres animales et guerres humaines, Odile Jacob, 2023

Bénédicte Bonzi

anthropologue, docteure en anthropologie

Notes

[1] James C. SCOTT, La domination et les arts de la résistance, fragments du discours subalterne, Éditions Amsterdam, 2008.

[2] Boris CYRULNIK, 40 voleurs en carences affectives, bagarres animales et guerres humaines, Odile Jacob, 2023