Politique

La dissolution a ouvert une conjoncture fluide

Politiste

Depuis le soir des élections européennes et l’annonce de la dissolution, on observe une accélération du tempo politique, une multiplication des coups tactiques, des renégociations d’identités, des ruptures d’allégeance mais aussi des convergences politiques inattendues.

« Je prépare ça depuis des semaines et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent » (confession d’Emmanuel Macron, reprise dans Le Monde, le 15 juin 2024).

La dissolution prononcée par le président de la République a ouvert une période d’incertitude multiforme.

Électorale d’abord : la victoire du Rassemblement National n’a jamais été aussi probable mais nul ne peut savoir ce que réserve ce scrutin tant il dépendra du niveau de l’abstention dans le cadre d’une campagne très courte (deux semaines réelles), et du nombre subséquent de triangulaires (il faut 12,5% des inscrits pour se maintenir au second tour pour le troisième candidat)…Les élections législatives à venir vont dépendre clairement de la capacité de chacun des trois camps à mobiliser « son » électorat. C’est un scrutin de mobilisation et pas du tout de conversion. 36% des électeurs de 2022 d’Emmanuel Macron se sont abstenus aux élections européennes.

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On peut assister à la surmobilisation de l’électorat de gauche comme celui d’extrême droite qui pourrait retrouver dans le vote un pouvoir d’agir, une prise sur son existence sociale, une « affirmation de soi » réparatrice (pour reprendre le terme du sociologue Benoit Coquart). Si les duels RN-Front populaire se multiplient au second tour, quel sera le positionnement des électeurs macronistes ? La question du front républicain va immanquablement resurgir.

Sociale ensuite : la société civile va-t-elle réagir ? quelles seraient les conséquences d’une victoire de l’extrême droite en termes de conflictualité sociale, de mobilisation collective alors que les Jeux olympiques s’ouvrent une semaine après le second tour… ?

Institutionnelle : la perspective d’une cohabitation à la forme inédite, violente et imprévisible est probable tout comme l’absence de majorité claire à l’Assemblée qui pourrait déclencher une crise de régime (rappelons que le président ne peut dissoudre l’assemblée


[1] Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, « Références », 1986.

[2] Ivan Sainsaulieu, Frédéric Sawicki, Julien Talpin, « Du discrédit des partis à la discrétion partisane », Politix, 2022/2 (n° 138), p. 7-18.

[3] Florence Haegel, Les droites en fusion. Transformations de l’UMP, Presses de Sciences Po, « Académique », 2012.

Rémi Lefebvre

Politiste, Professeur à l'Université de Lille 2

Notes

[1] Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, « Références », 1986.

[2] Ivan Sainsaulieu, Frédéric Sawicki, Julien Talpin, « Du discrédit des partis à la discrétion partisane », Politix, 2022/2 (n° 138), p. 7-18.

[3] Florence Haegel, Les droites en fusion. Transformations de l’UMP, Presses de Sciences Po, « Académique », 2012.