L’arc républicain : une mise au point
À la sortie de la convention de Philadelphie qui venait de rédiger la Constitution des États-Unis, Benjamin Franklin, interrogé par une femme qui lui demandait sous quel régime les Américains allaient vivre aurait répondu : « Une République si vous êtes capables de la préserver ». Pas une monarchie donc, mais pas une démocratie non plus, c’est-à-dire pas un régime où la majorité serait en mesure de faire tout ce que sa volonté lui suggérerait.

En d’autres termes, la république est un régime dans lequel la liberté et l’indépendance de chacun seraient garanties par des lois auxquelles les gouvernants seraient tenus de se plier, ainsi que par des droits conférés de manière égale à tous les citoyens et qu’aucune volonté majoritaire ne saurait franchir. Cela désigne ce que nous appelons aujourd’hui l’État de droit, dont la fonction est de protéger chacun contre l’exposition à un pouvoir arbitraire.
Initialement, le projet républicain – ce que Rousseau appelait un « État régi par des lois » – impliquait que cette indépendance réelle de chacun serait assurée par ces seuls moyens : égalité des droits, généralité et publicité de la loi, ainsi que le caractère consenti du pouvoir. Mais très vite, on s’est aperçu que ces moyens institutionnels n’étaient pas suffisants pour permettre à tous d’accéder à une existence indépendante et d’échapper à la domination, parce que l’inégalité dans l’accès à la propriété des ressources naturelles et des moyens de production mettait certains dans la dépendance continuée de ceux qui pouvaient seuls leur offrir le travail nécessaire à leur survie.
La République est alors devenue « sociale », exigeant qu’une partie de la propriété soit socialisée sous la forme de services publics accessibles à tous indépendamment de leur capacité à les payer (éducation, santé, régimes de retraite) et de droits sociaux destinés à mieux protéger les exclus de la propriété contre la domination, en particulier à l’intérieur de l’entreprise.
La Constitutio